Fruits et légumes : quelles interventions pour augmenter leur consommation chez les enfants ?

Avis d’expert – Deux questions à Amandine Rochedy sur le rôle des parents dans la construction des habitudes alimentaires de l’enfant

Amandine Rochedy Maitresse de conférence en sociologie
Université Toulouse Jean Jaurès
A propos de l’auteur

Amandine Rochedy est maîtresse de conférences en sociologie à l’ université Toulouse-Jean Jaurès (Institut supérieur du tourisme, de l’hôtellerie et de l’alimentation – ISTHIA) et rattachée au Centre d’eEtude et de Recherche, Travail, Organisation, Pouvoir (CERTOP UMR CNRS 5044).
Ses travaux portent sur l’alimentation des enfants, des adolescents et des jeunes adultes en populations générale et spécifique (autisme, syndrome de Prader-Willi et étudiant(e)s en situation de handicap à l’université). Elle s’intéresse également à la gestion des particularités alimentaires par les familles dans les différents espaces sociales (domicile, école, etc.)

« Pour être un « bon parent » en matière d’alimentation, il suffit de suivre les recommandations nutritionnelles. Faux

Aujourd’hui, la « bonne parentalité » est particulièrement empreinte de prescriptions et d’injonctions qui rendent complexe le rôle de parent . Les parents font face à de nombreuses recommandations et/ou conseils dans les premières années de vie de l’enfant, et ce même parfois avant la naissance. Ils proviennent de toutes parts : les professionnels de la petite enfance ou de la santé, les médias, les pairs à travers des échanges sur les réseaux sociaux ou dans les groupes de parole, mais également les amis et les membres de la famille élargie. Des messages pluriels qui peuvent être contradictoires et qui ne facilitent pas la prise de décisions des parents. D’autant plus que les trois premières années de vie sont source de changements nombreux et rapides qui représentent autant de défis pour les parents. L’enfant commence par une alimentation uniquement lactée et, en l’espace de quelques mois, son alimentation va se diversifier, sous la conduite des adultes qui l’entourent. Dans ces premiers mois, les choix des parents vont être ainsi essentiellement tournés sur les éléments nutritionnels : on varie, on pèse, on compare les étiquettes… Ensuite les plats plus complexes : quand dois-je ajouter les protéines ? Quand est-ce que mon enfant mange des morceaux ? Autant de questions que les parents se posent. Ensuite, progressivement l’enfant va intégrer et partager la table familiale, et les enjeux parentaux se modifient. En plus de faire des choix sur les recommandations dites « spécifiques » pour les aliments, les parents ont un rôle dans les apprentissages des manières de table. Même si l’enfant peut encore avoir un repas spécifique et qu’il peut commencer à manger seul, il va progressivement partager son repas ou une partie avec d’autres convives (parents, fratrie, etc.). Des négociations entre l’enfant et le(s) parent(s) sont visibles : manger seul avec ses couverts, goûter des aliments dans l’assiette des parents, etc. Enfin, les choses peuvent encore se compliquer pour les parents quand leur enfant se met à refuser des aliments, en particulier les légumes et les fruits. Vers 24 mois, les enfants peuvent refuser des aliments, y compris certains qu’ils acceptaient auparavant. Cette phase de refus, aussi appelée la néophobie, constitue une phase « normale » du développement de l’enfant. Elle joue même un rôle important, car cette étape participe à la sémantisation de l’expérience sensorielle et permet le passage de la gamme des aliments « pour nous », ceux de la culture, de la famille vers celle des aliments « pour moi ». Mais, ces refus peuvent engendrer des conflits avec l’entourage nourricier, en particulier les parents.
Ainsi, loin des images de la parentalité idéalisée, les parents auront à composer et à s’adapter au fil du développement de l’enfant pour faire au mieux face à ces différentes étapes. De fait, le travail de parent évolue au fur et à mesure de l’âge de l’enfant, mais aussi en fonction de l’expérience parentale. On n’est donc pas le même parent pour le 1er, le 2e ou le 3e enfant. Ce que l’on vit nous fait progresser et changer. Ce savoir « expérientiel » permet d’évoluer sur tous les domaines du quotidien, y compris l’alimentation. C’est ainsi que se construisent les pratiques familiales dans le domaine alimentaire.

« Pour être un « bon parent » en matière d’alimentation, il suffit de suivre les recommandations nutritionnelles. Faux

Aujourd’hui, la « bonne parentalité » est particulièrement empreinte de prescriptions et d’injonctions qui rendent complexe le rôle de parent . Les parents font face à de nombreuses recommandations et/ou conseils dans les premières années de vie de l’enfant, et ce même parfois avant la naissance. Ils proviennent de toutes parts : les professionnels de la petite enfance ou de la santé, les médias, les pairs à travers des échanges sur les réseaux sociaux ou dans les groupes de parole, mais également les amis et les membres de la famille élargie. Des messages pluriels qui peuvent être contradictoires et qui ne facilitent pas la prise de décisions des parents. D’autant plus que les trois premières années de vie sont source de changements nombreux et rapides qui représentent autant de défis pour les parents. L’enfant commence par une alimentation uniquement lactée et, en l’espace de quelques mois, son alimentation va se diversifier, sous la conduite des adultes qui l’entourent. Dans ces premiers mois, les choix des parents vont être ainsi essentiellement tournés sur les éléments nutritionnels : on varie, on pèse, on compare les étiquettes… Ensuite les plats plus complexes : quand dois-je ajouter les protéines ? Quand est-ce que mon enfant mange des morceaux ? Autant de questions que les parents se posent. Ensuite, progressivement l’enfant va intégrer et partager la table familiale, et les enjeux parentaux se modifient. En plus de faire des choix sur les recommandations dites « spécifiques » pour les aliments, les parents ont un rôle dans les apprentissages des manières de table. Même si l’enfant peut encore avoir un repas spécifique et qu’il peut commencer à manger seul, il va progressivement partager son repas ou une partie avec d’autres convives (parents, fratrie, etc.). Des négociations entre l’enfant et le(s) parent(s) sont visibles : manger seul avec ses couverts, goûter des aliments dans l’assiette des parents, etc. Enfin, les choses peuvent encore se compliquer pour les parents quand leur enfant se met à refuser des aliments, en particulier les légumes et les fruits. Vers 24 mois, les enfants peuvent refuser des aliments, y compris certains qu’ils acceptaient auparavant. Cette phase de refus, aussi appelée la néophobie, constitue une phase « normale » du développement de l’enfant. Elle joue même un rôle important, car cette étape participe à la sémantisation de l’expérience sensorielle et permet le passage de la gamme des aliments « pour nous », ceux de la culture, de la famille vers celle des aliments « pour moi ». Mais, ces refus peuvent engendrer des conflits avec l’entourage nourricier, en particulier les parents.
Ainsi, loin des images de la parentalité idéalisée, les parents auront à composer et à s’adapter au fil du développement de l’enfant pour faire au mieux face à ces différentes étapes. De fait, le travail de parent évolue au fur et à mesure de l’âge de l’enfant, mais aussi en fonction de l’expérience parentale. On n’est donc pas le même parent pour le 1er, le 2e ou le 3e enfant. Ce que l’on vit nous fait progresser et changer. Ce savoir « expérientiel » permet d’évoluer sur tous les domaines du quotidien, y compris l’alimentation. C’est ainsi que se construisent les pratiques familiales dans le domaine alimentaire.

En termes d’alimentation, ce sont les parents qui transmettent des habitudes à leurs enfants. Faux

En sociologie, le concept de socialisation alimentaire permet de décrire des pratiques au cœur des apprentissages de l’enfant. Il s’agit du processus par lequel l’enfant intègre des « normes » sociales propres et cela à différents niveaux : dans les manières de manger (par exemple, l’utilisation des couverts ou des baguettes, le contrôle du corps, etc.), dans les règles de table (l’identification des espaces communs et individuels à table), mais aussi dans les aliments consommés (les piments sont proposés précocement dans certaines cultures alors que pour d’autres, ils sont associés au répertoire alimentaire des adultes). Elle fait référence à ces interactions qui se produisent au cours du développement de l’enfant et qui conduisent à la capacité d’adopter des comportements adaptés aux contextes sociaux et culturels.
L’apprentissage de ces règles se fait au cours des interactions sociales pendant et en dehors des repas à la maison. Il passe par des interactions sociales verbales et non verbales (par l’observation et l’imitation). Progressivement, l’enfant va intérioriser que les règles peuvent être différentes selon les adultes (socialisation verticale). Par exemple, il est possible que l’enfant ne mange pas tout à fait les mêmes choses et de la même façon lorsqu’il mange seulement avec l’un de ses parents ou les deux et encore différemment avec les grands-parents (où les règles ne sont pas identiques). Ce phénomène va aussi se mettre en place en dehors de la maison et dans différents contextes. Les enfants vont faire évoluer leurs pratiques et leurs normes alimentaires à travers les expériences partagées avec d’autres enfants à la crèche, l’école, les structures (socialisation horizontale). Et enfin, il ne faut pas négliger le rôle des enfants dans cette socialisation alimentaire. On parle également de socialisation inversée , à savoir ce que l’enfant va induire dans l’alimentation familiale. Il ne s’agit pas d’une révolution importante et immédiate, mais de petits changements qui vont s’opérer, avec des ajustements perpétuels. Ce sont toutes ces petites modifications du quotidien, qui, au fil de l’eau, vont contribuer à induire des changements dans les normes alimentaires familiales (la composition des repas, la place des téléphones portables à table, etc.).
L’arrivée d’un enfant est une période où les normes alimentaires familiales peuvent changer. En effet, l’entrée dans la parentalité entraine une réorientation et des changements, notamment liés à l’expression de nouvelles responsabilités. Cette période de vie est connue pour être un moment de « rupture » ou de « bifurcation » qui va induire des changements de comportement, notamment dans le domaine de l’alimentation . Comme nous avons vu précédemment, l’alimentation est au cœur des préoccupations et des recommandations à la naissance de l’enfant et, comme il s’agit d’un domaine très normé et injonctif sur cette tranche d’âge, ces nouvelles habitudes entraîneront des répercussions sur l’alimentation familiale plus largement.

En termes d’alimentation, ce sont les parents qui transmettent des habitudes à leurs enfants. Faux

En sociologie, le concept de socialisation alimentaire permet de décrire des pratiques au cœur des apprentissages de l’enfant. Il s’agit du processus par lequel l’enfant intègre des « normes » sociales propres et cela à différents niveaux : dans les manières de manger (par exemple, l’utilisation des couverts ou des baguettes, le contrôle du corps, etc.), dans les règles de table (l’identification des espaces communs et individuels à table), mais aussi dans les aliments consommés (les piments sont proposés précocement dans certaines cultures alors que pour d’autres, ils sont associés au répertoire alimentaire des adultes). Elle fait référence à ces interactions qui se produisent au cours du développement de l’enfant et qui conduisent à la capacité d’adopter des comportements adaptés aux contextes sociaux et culturels.
L’apprentissage de ces règles se fait au cours des interactions sociales pendant et en dehors des repas à la maison. Il passe par des interactions sociales verbales et non verbales (par l’observation et l’imitation). Progressivement, l’enfant va intérioriser que les règles peuvent être différentes selon les adultes (socialisation verticale). Par exemple, il est possible que l’enfant ne mange pas tout à fait les mêmes choses et de la même façon lorsqu’il mange seulement avec l’un de ses parents ou les deux et encore différemment avec les grands-parents (où les règles ne sont pas identiques). Ce phénomène va aussi se mettre en place en dehors de la maison et dans différents contextes. Les enfants vont faire évoluer leurs pratiques et leurs normes alimentaires à travers les expériences partagées avec d’autres enfants à la crèche, l’école, les structures (socialisation horizontale). Et enfin, il ne faut pas négliger le rôle des enfants dans cette socialisation alimentaire. On parle également de socialisation inversée , à savoir ce que l’enfant va induire dans l’alimentation familiale. Il ne s’agit pas d’une révolution importante et immédiate, mais de petits changements qui vont s’opérer, avec des ajustements perpétuels. Ce sont toutes ces petites modifications du quotidien, qui, au fil de l’eau, vont contribuer à induire des changements dans les normes alimentaires familiales (la composition des repas, la place des téléphones portables à table, etc.).
L’arrivée d’un enfant est une période où les normes alimentaires familiales peuvent changer. En effet, l’entrée dans la parentalité entraine une réorientation et des changements, notamment liés à l’expression de nouvelles responsabilités. Cette période de vie est connue pour être un moment de « rupture » ou de « bifurcation » qui va induire des changements de comportement, notamment dans le domaine de l’alimentation . Comme nous avons vu précédemment, l’alimentation est au cœur des préoccupations et des recommandations à la naissance de l’enfant et, comme il s’agit d’un domaine très normé et injonctif sur cette tranche d’âge, ces nouvelles habitudes entraîneront des répercussions sur l’alimentation familiale plus largement.

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