Récentes études sur le programme d'aide alimentaire pour les femmes, les nouveau-nés et les enfants (WIC)

Bons d’achat « fruits et légumes » durant la grossesse: quel impact sur l’apport et la sécurité alimentaires ?

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| Ronit A. Ridberg

Université de Californie, Davis, États-Unis

La grossesse est une période critique pour faire face à l’insécurité alimentaire et se focaliser sur la nutrition et la santé de la mère en raison des conséquences à long terme sur le développement du fœtus  (Carmichael-Jensen, 2007; Cook, 2008). Du fait des interactions potentielles complexes entre les facteurs économiques, physiologiques, psychologiques et comportementaux, les femmes en insécurité alimentaire sont moins susceptibles d’avoir une alimentation saine que celles en sécurité alimentaire (Weiser, 2015). Des études montrent également que les mères en insécurité alimentaire ont une forte réduction en calories, glucides, et fruits et légumes en fin de mois, lorsque le budget alimentaire est le plus susceptible d’être épuisé (Tarasuk, 2007). Dans une enquête de 2011 sur les pratiques alimentaires, plus de la moitié des femmes à faibles revenus consommaient moins de 5 fruits et légumes par jour, et 12 % ont déclaré ne pas en manger. L’une des principales raisons est qu’ils sont jugés  « trop chers » (California Dietary Practices Survey, 2011). Ainsi, des incitations financières ont été testées pour réduire les barrières financières à la consommation de fruits et légumes. Depuis les années 70, le gouvernement américain applique le programme spécial de nutrition supplémentaire pour les femmes, les nourrissons et les enfants (WIC).  Le pack WIC standard pour les femmes enceintes comprend un bon d’achat de 11 $ par mois pour les fruits et légumes.

Dans cette étude réalisée à San Francisco, les femmes enceintes reçoivent 40 $ supplémentaires par mois pour les fruits et légumes, l’objectif étant de déterminer l’impact de ce supplément sur l’insécurité et la consommation alimentaire. Comme résultat exploratoire, nous avons examiné si les bons étaient associés à une diminution des taux de naissance prématurée par rapport à un groupe témoin historique de participantes au programme WIC (voir ci-dessous l’encadré « Méthodologie »).

L’augmentation de la valeur du bon « fruits et légumes » a amélioré significativement la sécurité alimentaire

Au départ, 53 % des femmes du groupe d’intervention ayant reçu le supplément « fruits et légumes » étaient en situation d’insécurité alimentaire, contre 38 % dans le groupe témoin. Le score brut moyen d’insécurité alimentaire des femmes du groupe d’intervention a diminué de 3,32 (au départ) à 2,32 (au suivi), ce qui montre qu’elles ont gagné en sécurité alimentaire par rapport aux femmes du groupe témoin (de 2,5 à 2,4).

Une légère amélioration de l’apport alimentaire a été constatée avec l’augmentation de la valeur du bon

Les femmes enceintes ayant reçu 40 $ supplémentaires par mois pour les fruits et légumes ont vu leur consommation alimentaire s’améliorer. Par rapport au groupe témoin, elles ont enregistré une évolution plus importante de la fréquence moyenne de l’apport en légumes seuls (0,59 fois/jour), fruits et légumes combinés (0,73 fois/jour), salade (0,23 fois/jour), pommes de terre non frites (0,19 fois par jour) et jus de fruits (0,27 fois par jour), indiquant une consommation accrue de ces aliments (Figure 1).

 

Figure 1 : Score d’évolution de la fréquence de consommation quotidienne de produits clés. *P < 0.05, **P < 0.01, ***P < 0.001 (en orange)

Les bons pourraient avoir un impact significatif sur l’issue des grossesses

L’étude des naissances prématurées (résultat exploratoire) a révélé que le groupe d’intervention avait 37 % de risque en moins d’accoucher prématurément par rapport à un groupe de comparaison historique distinct de participants au programme WIC. Même si les améliorations de l’apport alimentaire ne suffisent pas à elles seules à réduire le taux de naissances prématurées, l’effet combiné d’un meilleur apport alimentaire et de la sécurité alimentaire peut être déterminant.

Messages clés :

  • Les femmes enceintes à faibles revenus bénéficiant de bons d’achat « fruits et légumes » ont des améliorations significatives de la sécurité alimentaire et de la consommation de fruits et légumes
  • Une aide financière pour l’achat de fruits et légumes peut favoriser des habitudes alimentaires plus saines et réduire la pression sur le budget alimentaire du foyer.
  • Des incitations financières à l’achat de fruits et légumes durant la grossesse peuvent contribuer de manière significative à réduire les disparités en matière de naissance prématurée.

Méthodologie :

  • Les résultats avant et après évolution de la sécurité et de l’apport alimentaires ont été comparés entre deux groupes :
    • Groupe de comparaison : 108 participantes au programme WIC non enceintes (femmes en période post partum ou allaitantes, ou avec des nourrissons ou des enfants jusqu’à 5 ans) ont reçu le paquet WIC standard (11 $/mois).
    • Groupe d’intervention : 592 femmes enceintes ont bénéficié de 40 $/mois supplémentaires pour des fruits et légumes.
  • L’apport alimentaire a été évalué à l’aide de l’enquête nationale validée sur les comportements à risque des jeunes (YRBS – National Youth Risk Behavior Survey). Les questions portaient sur la fréquence de consommation quotidienne, au cours de la dernière semaine, de jus de fruits 100 % pur jus, fruit entier, salade, pommes de terre non frites, carottes et autres légumes (jamais, 1 à 3 fois/semaine, 4 à 6 fois/semaine, 1 fois/jour, 2 fois/jour, ≥3 fois/jour) .
  • La naissance prématurée se définit comme une naissance intervenant avant 37 semaines de gestation.
Basé sur : Ronit A. Ridberg, et al. Fruit and Vegetable Vouchers in Pregnancy: Preliminary Impact on Diet & Food Security, Journal of Hunger & Environmental Nutrition. 2020; 16(2): 149-163.
  • Carmichael SL, et al. Maternal food insecurity is associated with increased risk of certain birth defects. J Nutr. 2007;137(9):2087–2092.
  • Cook JT, Frank DA. Food security, poverty, and human development in the United States. Reducing Impact Poverty Health Human Dev. 2008;1136:193–209.
  • Weiser SD, et al. Food insecurity and health: a conceptual framework. In: Food Insecurity and Public Health. CRC Press; Editors: Louise Ivers. 2015:44–71.
  • Tarasuk V, et al. Low-income women’s dietary intakes are sensitive to the depletion of household resources in one month. J Nutr. 2007;137(8):1980–1987.
  • Key Comparisons from the 2011 California Dietary Practices Survey. California Department of Public Health, Nutrition Education and Obesity Prevention Branch, Research and Evaluation Section. Disponible sur le site http://centerforwellnessandnutrition.org/wp-content/uploads/2015/05/2011_CDPS_Low_Income_Fact_Sheet_FINAL.pdf.
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