Habitudes alimentaires et diabète

Caroténoïdes et développement du diabète de type 2

Les mécanismes d’action potentiels des antioxydants dans la réduction du risque de diabète de type 2

Une des propriétés principales des antioxydants est de prévenir les dommages provoqués par les espèces réactives de l’oxygène (EOR). Parmi les EOR, on retrouve : le peroxyde d’hydrogène (H2O2), l’acide hypochlorique (HOCl) et des radicaux libres comme les groupes hydroxyl (OH) et l’anion superoxide (O2-).

Ces composés chimiques très réactifs s’attaquent aux électrons et les capturent, modifiant ainsi les structures chimiques des molécules. Un certain nombre de composés végétaux, tels que les polyphénols, la vitamine C, les tocophérols, et les caroténoïdes, possèdent des propriétés antioxydantes. Les caroténoïdes constituent un large groupe de pigments naturels. Les caroténoïdes dont les molécules contiennent de l’oxygène, comme la lutéine et la zéaxanthine, sont appelés les xanthophylles. Ceux ne possédant pas d’oxygène comme l’a-carotène, le ß-carotène et le lycopène sont appelés les carotènes. Bien qu’on retrouve les caroténoïdes principalement dans les aliments végétaux, ils sont également utilisés largement comme colorants naturels dans l’alimentation humaine et animale.

Le développement du diabète de type 2 est associé à la combinaison d’une dysfonction des cellules ‚ du pancréas et une insulinorésistance. Les cellules‚ normales peuvent compenser l’insulinorésistance en augmentant la sécrétion d’insuline ou la masse de cellules ß. Cependant une compensation insuffisante conduit à une intolérance au glucose. Lorsque l’hyperglycémie apparaît, la fonction des cellules se détériore graduellement et l’insulinorésistance s’aggrave. L’hyperglycémie chronique et l’élévation des acides gras libres provoquent un stress oxydatif au sein des cellules pancréatiques‚ et les mécanismes de glucotoxicité et de lipotoxicité seraient, au moins partiellement, dus à l’excès d’EOR1, 2. Les cellules ‚ seraient particulièrement vulnérables au stress oxydatif, en raison d’une faible expression d’enzymes antioxydants, comme la catalase et la glutathion peroxydase3. Il est donc probable que le stress oxydatif soit impliqué dans la dégradation des cellules ß‚ observée dans le diabète de type 2. Des études chez l’animal viennent conforter cette hypothèse, suggérant ainsi une éventuelle utilité des antioxydants dans la prévention du diabète1,2. En outre, le rôle des caroténoïdes dans le développement du diabète de type 2 suscite un intérêt scientifique croissant.

ETUDES OBSERVATIONNELLES : Consommation de caroténoïdes et risque de diabète de type 2

Dans l’étude prospective de cohorte finlandaise “Finnish Mobile Clinic Health Examination Survey”, Montonen et col.4 ont observé que le risque de diabète diminuait de façon significative chez les sujets ayant la plus forte consommation totale de caroténoïdes. Parmi les caroténoïdes simples, la consommation de ß-cryptoxanthine était associée avec un moindre risque de diabète de type 2 dans cette étude. En revanche, aucun ajustement n’a été effectué dans cette étude pour les autres caractéristiques de l’alimentation.

Dans l’étude WHS sur la santé des femmes (the Women’s Health Study), aucune association n’a été retrouvée entre la consommation de lycopène ou d’aliments contenant du lycopène et le risque de survenue de diabète de type 25.

ETUDES OBSERVATIONNELLES : Concentrations de caroténoïdes et risque de diabète de type 2

Dans l’étude de Reunanen et al., après ajustement pour les facteurs de risque, il n’y avait aucune association entre les taux plasmatiques de ß-carotène et l’incidence de diabète6. Dans l’étude WHS, il n’y avait aucune corrélation prospective entre les taux plasmatiques initiaux de caroténoïdes (caroténoïdes totaux, lycopène, a-carotène, ß-carotène, ß-cryptoxanthine et lutéine/zéaxanthine) et le risque de développement du diabète de type 27. En revanche, dans l’étude CARDIA (Coronary Artery Risk Development in Young Adults) sur le risque de développement de maladies coronaires chez les jeunes adultes les taux sériques de caroténoïdes chez les non-fumeurs ont été associés à un moindre risque de diabète8. Cette association était particulièrement marquée pour les caroténoïdes totaux et le ß-carotène, tandis que l’a-carotène, la lutéine/zéaxanthine et le lycopène n’étaient pas associés de façon significative à ce risque. Il est intéressant de noter qu’aucune corrélation n’a été retrouvée chez les fumeurs, suggérant une modification des leurs effets par le tabagisme.

ETUDES INTERVENTIONNELLES : Supplémentation en caroténoïdes et risque de diabète de type 2

Chez des hommes apparemment sains, l’efficacité de la supplémentation en ß-carotène dans la prévention du diabète de type 2 a été testée dans l’étude PHS sur la santé des médecins (the Physician’s Health Study), un essai randomisé contrôlé par placebo9. Au cours des 12 années de suivi, il n’y avait pas de différence significative entre le groupe d’intervention (recevant 50 mg un jour sur deux) et le groupe placebo. Dans l’essai SU.VI.MAX (SUpplémentation en VItamines et Minéraux Anti-oXydants), les sujets du groupe d’intervention ont reçu quotidiennement 120 mg de vitamine C, 30 mg de vitamine E, 6 mg de ß-carotène, 100 μg de sélénium et 20 mg de zinc. A la fin de la période de suivi, la glycémie était similaire dans les deux groupes10.
Discussion
Bien que, globalement, les résultats de différentes études scientifiques soient contradictoires, ceux de l’étude CARDIA suggèrent la présence d’un effet bénéfique du ß-carotène chez les non-fumeurs. Cependant, la plupart des participants à l’essai randomisé PHS ne fumaient pas au moment de l’étude9.
L’absence d’effet observé du ß-carotène dans cet essai ne joue pas en faveur d’un rôle préventif dans le diabète. En outre, peu de preuves existent sur le fait que les autres caroténoïdes pourraient réduire le risque de diabète de type 2. Bien que l’on retrouve naturellement les caroténoïdes dans les végétaux (les fruits et légumes en particulier), le ß-carotène est un colorant et un additif fréquemment utilisé dans les aliments industriels et l’alimentation du bétail.

Les suppléments seraient une source additionnelle de ß-carotène et les taux sanguins ne seraient donc pas un indicateur fidèle de la consommation de fruits et légumes11. Bien que les études des concentrations sanguines de ß-carotène testent une hypothétique substance antioxydante, leurs résultats ne permettent pas de conclure à une absence d’effet de la consommation de fruits et légumes. Ceci s’applique également à l’étude de prévention qui a observé le ß-carotène mais pas les fruits et légumes.

Ces études n’ont donc pas répondu à la question de l’importance de la consommation de fruits et légumes dans la prévention du diabète. Comme les fruits et légumes contiennent, non seulement des caroténoïdes, mais aussi des fibres, des polyphénols, de la vitamine C et d’autres substances bioactives, on peut logiquement leur attribuer des effets bénéfiques. Malheureusement, peu de preuves existent encore sur le rôle de la consommation des fruits et légumes dans la prévention du diabète.

Matthias B. Schulze
Département d’Épidémiologie moléculaire, Institut allemand de la nutrition humaine Potsdam-Rehbrücke, Nuthetal, ALLEMAGNE - Centre allemand de recherche sur le diabète (DZD), Munich-Neuherberg, ALLEMAGNE
  1. Ceriello A, Motz E. Is oxidative stress the pathogenic mechanism underlying insulin resistance, diabetes, and cardiovascular disease? The common soil hypothesis revisited. Arterioscler Thromb Vasc Biol. May 2004;24(5):816-823.
  2. Kaneto H, Nakatani Y, Kawamori D, et al. Role of oxidative stress, endoplasmic reticulum stress, and c-Jun N-terminal kinase in pancreatic beta-cell dysfunction and insulin resistance. Int J Biochem Cell Biol. Aug 2005;37(8):1595-1608.
  3. Tiedge M, Lortz S, Drinkgern J, Lenzen S. Relation between antioxidant enzyme gene expression and antioxidative defense status of insulin-producing cells. Diabetes. Nov 1997;46(11):1733-1742.
  4. Montonen J, Knekt P, Jarvinen R, Reunanen A. Dietary antioxidant intake and risk of diabète de type II. Diabetes Care. Feb 2004;27(2):362-366.
  5. Wang L, Liu S, Manson JE, Gaziano JM, Buring JE, Sesso HD. The consumption of lycopene and tomato-based food products is not associated with the risk of diabète de type II in women. J Nutr. Mar 2006;136(3):620-625.
  6. Reunanen A, Knekt P, Aaran RK, Aromaa A. Serum antioxidants and risk of non-insulin dependent diabetes mellitus. Eur J Clin Nutr. Feb 1998;52(2):89-93.
  7. Wang L, Liu S, Pradhan AD, et al. Plasma lycopene, other carotenoids, and the risk of diabète de type II in women. Am J Epidemiol. Sep 15 2006;164(6):576-585.
  8. Hozawa A, Jacobs DR, Jr., Steffes MW, Gross MD, Steffen LM, Lee DH. Associations of serum carotenoid concentrations with the development of diabetes and with insulin concentration: interaction with smoking: the Coronary Artery Risk Development in Young Adults (CARDIA) Study. Am J Epidemiol. May 15 2006;163(10):929-937.
  9. Liu S, Ajani U, Chae C, Hennekens C, Buring JE, Manson JE. Long-term beta-carotène supplementation and risk of diabète de type II mellitus: a randomized controlled trial. Jama. Sep 15 1999;282(11):1073-1075.
  10. Czernichow S, Couthouis A, Bertrais S, et al. Antioxidant supplementation does not affect fasting plasma glucose in the Supplementation with Antioxidant Vitamins and Minerals (SU.VI.MAX) study in France: association with dietary intake and plasma concentrations. Am J Clin Nutr. Aug 2006;84(2):395-399.
  11. Al-Delaimy WK, Ferrari P, Slimani N, et al. Plasma carotenoids as biomarkers of intake of fruits and vegetables: individual-level correlations in the European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition (EPIC). Eur J Clin Nutr. Dec 2005;59(12):1387-1396.
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