Habitudes alimentaires et diabète

Evolution de l’IMC et risque de diabète de type 2

La durée du surpoids est un facteur important

Plusieurs études épidémiologiques indiquent que l’obésité et la prise de poids entretiennent une relation causale avec le diabète de type 2. De nombreuses études rapportent un risque plus élevé de diabète chez les hommes(1-5) et les femmes(4, 6, 7) présentant une augmentation de l’Indice de Masse Corporelle (IMC) et une prise de poids durant l’adolescence(1, 6). Indépendamment du degré d’obésité, la durée du surpoids serait un autre facteur de risque significatif(8, 9).

Bien que de nombreux travaux scientifiques aient étudié l’association entre le surpoids et le diabète, aucun n’a explicitement mesuré s’il existait une association entre le risque de diabète de type 2 et les modifications du poids aux différents moments de la vie et comment les deux étaient reliés. Ce sujet est d’autant plus intéressant que la prévalence de l’obésité et du diabète a augmenté de façon importante durant ces dernières décennies(10). De larges segments de la population commencent à prendre du poids au début de la vie adulte, après avoir établi leur vie professionnelle ou familiale. Les données concernant les adultes dans les pays occidentaux montrent que l’augmentation la plus importante de la prévalence d’obésité retrouvée chez les hommes et les femmes, s’observe chez les adultes jeunes, entre 20 et 40 ans(11-13).

Les Observations de l’Etude EPIC

Une enquête a été menée afin de comparer l’association entre le changement de poids au cours de deux périodes différentes de la vie adulte et le risque de diabète(14). La population étudiée englobait 7720 hommes et 10371 femmes inclus dans l’étude de cohorte multicentrique Postdam – EPIC (Etude Prospective Européenne sur le Cancer et la Nutrition- European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition)(15) (27548 participants). L’objectif de l’étude était d’examiner l’association entre la nutrition et les maladies chroniques(16). Les examens de départ englobaient les mesures anthropométriques et des entretiens individuels afin de cerner les caractéristiques socio-démographiques. Ensuite, grâce à un questionnaire, des données sur l’apparition de maladies ont été recueillies tous les deux à trois ans. Les cas de diabète spontanément rapportés ont été validés par le médecin traitant.

Et si tout se jouait entre 25 et 40 ans ?

Chez les hommes et les femmes ayant un IMC < 23,0 kg/m2 à l’âge de 25 ans, le changement moyen (en pourcentage) de l’IMC entre 25 et 40 ans était le plus élevé (10%). Pour un IMC compris entre 23 et 25, il était de 7%-8%. Chez les hommes et les femmes en surpoids (IMC > 25), il était de 5,5%. Les changements d’IMC entre 40 et 50 ans étaient plus importants chez les femmes, toutes catégories d’IMC à 25 ans confondues (12%-14%), tandis que le pourcentage de changement d’IMC augmentait légèrement chez les hommes (8%-10%), par rapport à la période précédente. Selon un modèle d’analyse multivariée, le risque relatif de diabète pour les hommes et les femmes était légèrement plus élevé pour un changement d’IMC entre 25 et 40 ans (risque augmenté d’environ 25% par unité d’augmentation d’IMC) que pour un changement d’IMC entre 40 et 55 ans (risque augmenté de 12%).

L’association d’un risque plus élevé avec une prise de poids chez l’adulte jeune plutôt que chez l’adulte plus mûr s’expliquerait par une durée d’exposition plus longue à l’excès de graisse corporelle. Des études précédentes avaient déjà montré qu’une obésité qui dure plus de 5 ans était un important facteur de risque de diabète de type 2(8, 9).

Impact de l’histoire pondérale

Afin de déterminer le risque en fonction des antécédents de modification de poids, les changements d’IMC ont été répartis en trois groupes : “perte ou stabilité” (perte ou gain < 1 unité d’IMC durant 15 ans), “gain modéré” (gain de 1,0-4,0 kg/m2) ou “gain sévère” (gain > 4,0 kg/m2).

Une prise de poids sévère (gain > 4,0 kg/m2) entre 25 et 40 ans, suivie d’un poids stable entre 40 et 55 ans, était associée à un risque de diabète 1,5 fois plus élevé chez les hommes, et 4,3 fois plus élevé chez les femmes, par rapport à un poids stable au début de l’âge adulte et une prise de poids tardive.
Par rapport aux hommes, les risques plus élevés chez les femmes ayant un gain d’IMC modéré à sévère au début de la vie adulte, s’expliqueraient par le lien entre les accouchements et l’obésité. Les années de grossesse ont été identifiées comme des périodes critiques de prise de poids et de développement d’obésité, qui ne peuvent pas être expliquées par des changements de comportement(17). Le risque n’était pas accru pour celles qui étaient en surpoids à l’âge de 25 ans, et qui avaient ensuite réduit ou maintenu leur poids, comparés aux femmes de poids normal dont le poids était stable à 55 ans.

Cependant, une prise de poids, même modeste, durant la vie adulte est associée à un risque important de développer un diabète de type 2. Une prise de poids modérée ou sévère chez l’adulte jeune est associée à un risque plus élevé de diabète qu’une prise de poids après l’âge de 40 ans. Ceci souligne l’importance de maintenir un poids corporel sain durant toute la vie.

Anja Schienkiewitz
Institut Allemand de Nutrition Humaine Potsdam -Rehbrücke, Département d’Epidémiologie, Allemagne
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