David et Goliath

Faire manger au moins deux fruits par jour aux enfants : MISSION IMPOSSIBLE ?

Une petite commune de l’Hérault a relevé le défi… avec succès !

Depuis 2002, les 120 enfants des trois écoles maternelles et primaires de Le Bosc – une commune viticole de 750 habitants, située à 50 km de Montpellier – bénéficient de “récrés fruitées”. En quatre ans, 200 000 fruits ont été distribués et les aliments gras et sucrés ont disparu des cartables !
Inquiet de la hausse continue de l’obésité et des pathologies liées à l’alimentation (MCV, cancers, diabète de type 2, etc.), le maire de Le Bosc a décidé de mettre en place une distribution de fruits gratuite et destinée aux 120 enfants scolarisés sur sa commune.

Un bienfait quotidien

Tous les jours, à l’heure de la récréation, les écoliers ont le choix entre deux fruits frais le matin et deux autres l’après-midi. Les fruits de saison, produits localement, sont privilégiés : si le terroir est d’abord viticole et oléicole, les vergers y sont encore nombreux (abricotiers, amandiers, cerisiers, pêchers, pommiers, pruniers) ainsi que les cultures de légumes (concombres, carottes, fèves, radis, tomates…). Mais les enfants se voient également offrir des fruits exotiques qui leur permettent de découvrir des produits aux formes, couleurs, arômes et saveurs différents.

L’opération coûte à la commune moins de 100 euros par an et par enfant soit, pour les 120 écoliers concernés, une dépense à peine supérieure à 10.000 euros. “C’est le prix d’un feu d’artifice de 10 minutes et c’est une bien meilleure utilisation de l’argent public, pour un bienfait quotidien” rappelle souvent le maire, Daniel Guibal. Depuis l’instauration de ces “récrés fruitées”, les barres chocolatées, paquets de chips, biscuits et autres viennoiseries ont en effet disparu des cartables.

Une “ambassadrice des fruits”

La réussite de l’opération (tous les enfants consomment les fruits proposés et les apprécient) a reposé sur une idée simple, mais efficace : manger des fruits doit être un plaisir et non une contrainte. Concrètement, une employée communale a été promue “ambassadrice des fruits”. Ces derniers sont livrés par un grossiste local et c’est elle qui les apporte dans les écoles : les heures des récréations ont été réorganisées de façon à permettre cette véritable “tournée fruitière”. Les fruits sont ensuite préparés et présentés avec soin : épluchage de ceux destinés aux plus petits, prédécoupage en tranches, confection de brochettes, disposition esthétique dans des corbeilles en osier…, mais aussi force de conviction et talent dans la manière de proposer aux enfants tranches de pommes ou d’ananas, quartiers d’oranges, bananes, litchis et kiwis. Dans les toutes premières semaines de l’opération, les écoliers ne se sont pas “jetés” spontanément sur les corbeilles de fruits : un peu de patience et de persévérance ont été nécessaires. De même, il a fallu agir, avec tact, en évitant de culpabiliser les parents.

Des résultats sans ambiguïté !

Au début de l’année 2006, l’impact de l’action sur la connaissance, l’appréciation et la consommation des fruits et légumes par les enfants ont été mesurés par l’Aprifel. Les résultats obtenus ont été comparés aux données recueillies dans une commune “témoin” (Soubès), où les enfants n’avaient jamais été sensibilisés à la consommation de fruits.

Il en ressort que les enfants de Le Bosc sont capables d’évoquer spontanément davantage de fruits que leurs homologues de la commune témoin. Un second volet du questionnaire citait 22 fruits pour desquels l’enfant interrogé devait indiquer s’il les connaissait, s’il les avait déjà mangés et s’il les appréciait. En moyenne, les enfants de Le Bosc connaissent et ont déjà mangé quatre fruits de plus que ceux de Soubes et ils déclarent en apprécier deux de plus.

• Ces observations vont dans le sens de nombreuses études(1-6) qui ont montré que l’augmentation de l’accessibilité (ici, proposer des fruits plusieurs fois par jour) favorisait la consommation. En effet, la familiarisation avec l’aliment fait passer progressivement celui ci du statut d’objet inconnu à celui d’objet connu. Dans la très grande majorité des cas, ce changement de perception renforce le goût pour le produit et augmente sa consommation. Celle-ci s’accompagne alors d’une envie accrue d’en manger (en d’autres termes, plus on mange de fruits, plus on a envie d’en manger !). Un cercle vertueux se trouve alors enclenché.

De nouveaux projets…

Récemment, la commune a créé une association dont la vocation est de diffuser son savoir-faire (édition d’un DVD, conseils…) auprès des communes intéressées par l’initiative. Un autre projet est la construction d’un nouveau groupe scolaire comportant, en son centre, une « oasis » : un lieu de dégustation des fruits situé à côté d’un verger et d’un potager où les enfants pourront apprendre à cultiver fruits et légumes avant de les manger. Dans quelques années, les enfants de Le Bosc pourront cueillir directement leur goûter sur le pommier !

Des expériences ont montré que l’on pouvait diminuer la néophobie de l’enfant (le refus de tout aliment nouveau) en le faisant participer à la préparation du repas et en lui donnant l’occasion (lorsque cela est possible) de cultiver et de récolter lui même l’aliment. Ces apprentissages permettent de créer un “premier contact” qui facilite la décision d’accepter d’introduire au-dedans de soi un “corps étranger”. Ce type de contact avec l’aliment (culture, cueillette, cuisine….) se révèle particulièrement efficace dans le cas des légumes : ceux-ci vont revêtir peu à peu un caractère familier et l’enfant finira par accepter de les goûter.

Eric Birlouez
Sociologue de l’agriculture et de l’alimentation, Paris, FRANCE
  1. Heran et coll, 1998 ;
  2. Baer, 2003 ;
  3. Baxer et coll, 2002 ;
  4. Piner et Hoden, 1992 ;
  5. J. Wardle et coll, 2002, 2003.
  6. J. Wardle et coll, 2002, 2003.
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