Fruits et légumes et os : défis et opportunités pour l’avenir

LÉGUMES FEUILLES ET SANTÉ OSSEUSE : une approche complémentaire de prévention

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, l’ostéoporose arrive au second rang des problèmes de santé publique après les maladies cardiovasculaires. L’ostéoporose est caractérisée par une fragilité osseuse. Aujourd’hui, elle touche environ 200 millions de personnes, mais ce chiffre devrait augmenter progressivement du fait de l’augmentation de l’espérance de vie.

Le rôle des antioxydants alimentaires

Il existe une multitude de preuves indiquant que la nutrition représente un facteur modifiable important pour le développement et le maintien de la masse osseuse. Alors que la plupart des études se focalisent sur l’impact du calcium et des produits laitiers sur le développement osseux, le rôle des fruits et légumes commence à émerger et suggère des approches complémentaires de prévention.

L’étiologie de l’ostéoporose est multifactorielle. Le stress oxydatif, induit par les espèces oxygénées réactives (ERO), joue un rôle important dans sa physiopathologie et a été associé positivement avec le risque de fracture. Sur cette base, le rôle des antioxydants alimentaires, par leur action anti radicaux libres, a été étudié dans l’ostéoporose. Dans l’étude d’observation sur la santé des femmes WHI (Women’s Health Initiative) – même s’il n’existait aucune relation entre les taux plasmatiques d’antioxydants d’origine vitaminique et minérale et la densité osseuse – la consommation d’antioxydants, comme le bêta – carotène, la vitamine E ou la vitamine C, a été retrouvée plus faible chez les femmes ostéoporotiques. De plus, dans l’étude de l’UTAH, elle a même été associée à un risque réduit de fracture chez les fumeurs. Ainsi, il est important d’étudier des aliments spécifiques, comme les légumes feuilles, qui sont globalement riches en substances phytochimiques comme les caroténoïdes et qui ont une forte teneur en vitamines C, B, E, K et en calcium, tout en étant peu caloriques.

Légumes feuilles : une riche source de micronutriments bénéfiques pour l’os

On connaît presque un millier d’espèces végétales à feuilles comestibles. Les légumes à feuilles sont le plus souvent des plantes herbacées à durée de vie courte ; ils ont beaucoup de points communs avec d’autres légumes quant à leurs attributs nutritionnels et les techniques de préparation. Globalement, 100 g de laitue fourniront 30 % des apports journaliers recommandés (AJR) en acide folique, 18 % en provitamine A et 10 % en vitamine C. 200g d’épinards couvriront environ 3% des AJR en acide folique et 50% en vitamine C.

Caroténoïdes.
Des résultats contradictoires suggèrent une relation complexe entre la vitamine A et l’os. Une faible densité osseuse (DO) et un risque accru de fracture de la hanche ont été observés chez des femmes qui en consomment beaucoup. A l’inverse, des études d’observation ont révélé que chez des sujets ne prenant pas de supplément vitaminique, ceux qui avaient la plus forte consommation de rétinol (dérivé à la fois de rétinoïdes d’origine animale et de caroténoïdes contenus dans les fruits et légumes) avaient un moindre perte osseuse liée à l’âge que les sujets ayant une moindre consommation. De plus, chez des femmes âgées vivant hors institution, les taux plasmatiques de rétinol et de tous les caroténoïdes testés étaient considérablement plus faibles chez les femmes ostéoporotiques que chez les femmes témoins. Ceci suggère un effet d’épargne osseux du rétinol, à laquelle contribuerait l’activité pro-vitaminique A de certains caroténoïdes.

Vitamines B.
Les recherches actuelles indiquent que l’augmentation de la consommation d’acide folique en parallèle avec l’assainissement de l’hygiène de vie baisseraient les taux plasmatiques d’homocystéine (Hcy), un dérivé soufré du métabolisme de la méthionine, un acide aminé essentiel. Certaines formes d’Hcy peuvent provoquer des dommages par leurs effets oxydants et leurs interactions délétères avec les protéines.
Quant à l’os, un taux élevé de Hcy est non seulement un facteur de risque mais également un indicateur d’anomalie du métabolisme osseux. Ainsi, l’hyperhomocystéinémie d’origine génétique est associée à des anomalies squelettiques et de l’ostéoporose (Etude Longitudinale du Viellissement d’Amsterdam – LASA, et études de Rotterdam et de Framingham).
Plusieurs études étayent l’hypothèse que l’augmentation des taux de vitamines B serait bénéfique pour l’os, car elles seraient impliquées dans le métabolisme et l’élimination du Hcy.
Un taux plus faible de marqueurs de la formation osseuse a été rapporté chez des individus carencés en vitamine B12. On a également rapporté une plus faible densité osseuse (DO) chez des hommes et des femmes ayant un taux de vitamine B12 inférieur à 148 ppm. De plus, une consommation réduite de vitamine B6 et de folates a été mise en évidence chez des patients ayant une fracture de hanche.
Récemment, un essai d’intervention contrôlé contre placebo en double aveugle, a montré qu’un traitement réduisant la Hcy (5 mg de folate associé à 1,5 mg de vitamine B12) diminuait de manière impressionnante l’incidence de fractures de la hanche chez des patients hémiplégiques suite à un AVC (10 fractures pour 1000 patients versus 43 dans le groupe placebo).

Vitamine C.
La vitamine C est un antioxydant puissant qui réduit les effets néfastes des radicaux libres. Elle pourrait contribuer à la densité minérale osseuse par son implication dans la formation du collagène de la matrice, son effet sur la croissance ostéoblastique ou son rôle dans la promotion de l’absorption du calcium.

Vitamine E.
On a mis en évidence des concentrations plasmatiques de vitamine E abaissées chez les femmes ostéoporotiques. Chez les fumeurs actifs, il existe une association entre une faible consommation de vitamine E alimentaire et un plus fort risque de fracture. Chez des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, la vitamine E diminuerait également la douleur, sans doute en réduisant les concentrations de cytokines proinflammatoires et de médiateurs lipidiques.

Vitamine K.
La vitamine K, habituellement associée aux légumes à feuilles, joue un rôle important dans la coagulation sanguine et le métabolisme osseux. Elle se révèle comme facteur de protection potentiel contre l’ostéoporose. La Vitamine K sert de cofacteur dans la béta-carboxylation des résidus glutamiques de nombreuses protéines osseuses, en particulier l’ostéocalcine. Elle possède également des propriétés antioxydantes. Ainsi, les preuves épidémiologiques accumulées suggèrent qu’une discrète carence en vitamine K contribuerait à la déperdition osseuse liée à l’âge et aux fractures ostéoporotiques. De plus, de faibles doses de phylloquinone (1mg/j) ont montré des effets protecteurs sur la DO chez les femmes postménopausées.

Un rôle prometteur pour la prévention de l’ostéoporose

Chez la femme, les fruits et légumes peuvent jouer un rôle prometteur dans la prévention de l’ostéoporose postménopausique en maintenant, voire en améliorant, la masse osseuse. Ainsi, toute recommandation nutritionnelle ou comportementale ciblée sur la santé globale de la population devrait prendre en compte leurs propriétés ostéoprotectrices potentielles.

Véronique Coxam
Directrice de recherche, INRA, FRANCE
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