Influence sociale : frein ou levier pour agir sur les comportements alimentaires ?

Normes sociales : comment modulent-elles les choix alimentaires ?

Règles informelles qui définissent les actions acceptables et appropriées au sein d’un groupe donné, les normes sociales exercent une influence constante sur le comportement humain. Un nombre croissant de travaux suggèrent notamment qu’elles constituent un point d’entrée intéressant pour les interventions visant à améliorer les comportements alimentaires. Une étude récente a ainsi examiné les effets de différentes normes sociales sur l’intention de consommer des en-cas sains. Ses résultats montrent notamment que les normes relatives à la quantité et la fréquence de consommation d’aliments sains influencent efficacement les choix alimentaires.

De manière générale, l’être humain cherche à se conformer aux règles sociales jugées acceptables par son entourage (Jacobson et al., 2011). Cette influence sociale a été utilisée à de nombreuses reprises dans des interventions visant à modifier les comportements alimentaires. Ce que les autres mangent, ce qu’ils pensent que nous devrions manger font notamment partie des affirmations les plus couramment utilisées pour encourager des habitudes alimentaires plus saines (Higgs et al. 2019).

Dans ce contexte, une étude récente (Mollen et al., 2022) a examiné les effets de plusieurs normes sociales (voir encadré) sur l’intention de consommer des en cas sains Dans le cadre de ce travail, les participants ont été exposés un extrait d’un site web présentant les caractéristiques attrayantes – couleur, saveur unique, faible teneur en calories – des fruits et légumes et comportant une norme sociale relative à la consommation de ces aliments. Ils ont ensuite été invités à remplir un journal alimentaire en indiquant les en-cas qu’ils prévoyaient de consommer le lendemain et leur intention d’en consommer au cours de la semaine suivante.

Les normes relatives à la consommation d’autrui entraîne des choix alimentaires plus sains à court terme

Pour le premier groupe de participants, l’extrait du site web comprenait l’une des deux normes descriptives suivantes :

  • Une norme rapportant que la plupart des jeunes adultes consomment quotidiennement des fruits et légumes norme descriptive de fréquence ;
  • Une norme rapportant que la plupart des jeunes adultes consomment 200 g de fruits et 250 g de légumes par journorme descriptive de quantité.

Dans les deux cas de figure, les participants ayant consulté ces normes ont choisi des en cas sains pour le lendemain que ceux ayant lu l’extrait seul (groupe contrôle). Cette observation indique que le comportement alimentaire d’autrui, aussi bien en termes de quantité que de fréquence, est susceptible d’orienter les choix alimentaires d’un individu.

Néanmoins, l’exposition à ces normes n’a pas eu d’effet sur l’intention de consommer des fruits et légumes au cours de la semaine suivante. Les auteurs suggèrent que les messages fondés sur des normes descriptives ne font que raccourcir le processus de prise de décision en matière d’alimentation, en fournissant rapidement des informations sur l’attitude à adopter (Kallgren et al., 2000). Dans la mesure où les intentions témoignent d’un raisonnement sur les projets futurs, le raccourci fourni par ces messages n’est ici pas jugé pertinent (Fishbein & Ajzen, 2011).

L’exposition aux attentes des autres pourrait entraîner un rejet

Le deuxième groupe de participants a quant à lui été exposé à une norme injonctive rapportant que la majorité des jeunes adultes âgés de 18 à 25 ans pensent qu’il est nécessaire de consommer 200g de fruits et 250g de légumes par jour. D’après les résultats, ce groupe n’a pas été influencé par les messages relatifs aux attentes des autres, tant sur le choix d’en-cas que sur l’intention d’en consommer la semaine suivante.

Ces résultats peuvent paraître surprenants, dans la mesure où les individus cherchent généralement à se conformer aux attentes sociales (Jacobson et al., 2011). Il est néanmoins possible que l’exposition à des normes sociales injonctives entraîne une réactance , en raison de leur ton ferme et d’une potentille hostilité à la critique (Stok et al., 2015).

Pas d’effet des messages concernant les préférences d’autrui

Enfin, l’extrait du dernier groupe comprenait une norme sociale d’appréciation soulignant que la majorité des jeunes adultes considèrent que les fruits et les légumes ont bon goût. L’exposition à cette norme n’a entrainé aucun effet sur le choix d’en-cas ou sur l’intention d’en consommer des plus sains.

Si l’influence des préférences des autres sur la consommation de légumes a déjà été constatée dans des travaux antérieurs, ce résultat n’a été observé que chez les individus présentant une faible consommation de départ (Higgs et al., 2019). Ce constat suggère ainsi que les préférences des autres ne sont susceptibles d’affecter le comportement alimentaire que lorsqu’elles impliquent un changement de perception (Higgs et al., 2015). Des travaux supplémentaires sont ainsi nécessaires afin de mieux comprendre la manière dont les différentes normes sociales affectent les comportements alimentaires.

Basé sur : Mollen et al. The Influence Of Social Norms On Anticipated Snacking: An Experimental Study Comparing Different Types Of Social Norms. Appetite, 2023, Vol. 180, P. 106372.

Définition des normes sociales
    Les normes sociales sont les règles perçues, informelles, et pour la plupart non-écrites, qui définissent les actions acceptables et appropriées au sein d’un groupe ou d’une communauté donnée, guidant ainsi le comportement humain (UNICEF, 2021). Il en existe plusieurs types, parmi lesquelles on retrouve notamment :

  • Les normes sociales descriptives, également nommées « attentes empiriques », qui correspondent aux croyances sur ce que font les autres, indépendamment de l’approbation.
  • Les normes sociales injonctives qui correspondent aux croyances sur ce que les autres approuvent ou attendent. Elles influencent le comportement en informant sur ce qui devrait être fait, ce qui est acceptable ou répréhensible dans un groupe social donné (Cialdini et al., 1990)
Méthodologie
Messages clés
  • Différents types de normes sociales peuvent avoir des effets distincts sur les comportements alimentaires.
  • L’exposition aux messages relatifs à la fréquence et à la quantité de fruits et légumes consommés par autrui s’est montrée efficace pour augmenter les choix d’en-cas sains pour le jour suivant.
  • Aucun type de norme sociale n’a eu d’effet sur l’intention de consommer des en-cas sains la semaine suivante.
Références
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