Influence sociale : frein ou levier pour agir sur les comportements alimentaires ?

Édito

L’influence des autres sur notre comportement alimentaire est étudiée depuis des décennies. Si la personne à côté de nous ne remplit pas son assiette, il est fort probable que nous fassions de même (McFerran, B., et al, 2010). Nous avons, en effet, tendance à imiter les choix des personnes qui nous entourent (Higgs et al., 2020). Cette influence sociale a été utilisée à de nombreuses reprises comme levier pour améliorer les choix alimentaires. Néanmoins, elle peut également constituer un obstacle à l’adoption d’une alimentation saine, car les attentes des autres en matière d’alimentation peuvent limiter la flexibilité des choix alimentaires des individus (Bian & Markman, 2020).

Cette édition d’Équation Nutrition présente trois articles qui abordent les différentes facettes de l’influence sociale sur les comportements alimentaires.

Le premier article explore l’influence du comportement d’autrui sur le choix de collations. Ce travail montre notamment que l’exposition à la quantité et à la fréquence de consommation de fruits et de légumes incite les individus à choisir des en-cas plus sains pour le lendemain. Toutefois, aucun effet n’a été observé sur l’intention d’en consommer la semaine suivante, ce qui suggère que l’influence des comportements d’autrui ne s’exerce qu’à court terme.

Le deuxième article se concentre sur le degré d’influence de différents groupes sociaux sur les choix alimentaires. Les résultats montrent que les individus ont tendance à choisir des aliments sains et respectueux de l’environnement lorsqu’ils estiment que leurs proches font de même. A l’inverse, les croyances relatives aux comportements de personnes socialement éloignées n’influencent pas le choix des aliments.

Enfin, le troisième article examine la manière dont les représentations sociales à l’égard du genre peuvent conditionner la consommation de viande et l’adhésion à un régime végétarien en Australie. Cette étude rapporte que les hommes se considérant comme plus masculins sont plus réticents à réduire leur consommation de viande et par conséquent, moins disposés à devenir végétarien. En conclusion, les auteurs suggèrent que les individus qui se conforment aux attentes sociales liées au genre sont moins susceptibles d’adopter des comportements qui s’écartent des normes alimentaires.

Ainsi, l’influence sociale exerce un rôle ambivalent. Elle est susceptible d’encourager des choix alimentaires plus sains, mais peut également freiner l’adoption de régimes alimentaires durables, en particulier dans les pays où les normes relatives au genre sont encore bien ancrées. Ensemble, ces trois articles soulignent la complexité du sujet et invitent les futurs travaux à tenir compte de l’ensemble de ces aspects dans la conception d’interventions.

Adoracion Guzman Garcia Doctorante en sciences cognitives
Institut Lyfe (ex Institut Paul Bocuse), Ecully
A propos de l’auteur

Adoracion Guzman Garcia est doctorante en sciences cognitives au Centre de Recherche de l’Institut Lyfe (ex Paul Bocuse) ainsi qu’au laboratoire CHArt de l’EPHE – PSL et à Aprifel.

Sa thèse explore les barrières psychologiques à la diversité des choix alimentaires et à la consommation de fruits et légumes. Adoracion s’intéresse plus spécifiquement à la manière dont les normes sociales et les biais cognitifs guident les comportements alimentaires. Elle examine également les moyens susceptibles de contourner ces biais dans des interventions visant à encourager l’adoption d’un régime alimentaire équilibré.

Avant de débuter sa thèse, Adoracion a suivi des études en sciences cognitives à l’Université de Yale, à l’ENS-PSL de Paris-Cité ainsi qu’à l’EHESS, où elle a accumulé six ans d’expérience en recherche.

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