Influence sociale : frein ou levier pour agir sur les comportements alimentaires ?

Réduction de la consommation de viande : prendre en compte l’influence du genre pour faire évoluer les pratiques

Les attentes sociétales en matière d’alimentation peuvent constituer un réel obstacle à l’adoption de régimes plus sains et durables. Récemment, une étude australienne a examiné le lien entre la manière dont les individus perçoivent leur propre genre et une série d’attitudes et de comportements liés à la consommation de viande. Ce travail montre notamment que les hommes se considérant comme plus masculins sont moins susceptibles de réduire leur consommation de viande et/ou d’envisager un régime végétarien. En conclusion de ce travail, les auteurs suggèrent que les appels à végétaliser l’assiette pourraient être plus efficaces s’ils tenaient compte de la façon dont les régimes alimentaires sont liés aux genres et aux identités.

Comme le démontrent de nombreuses études, réduire la consommation de viande présente des bénéfices à la fois pour la santé et l’environnement (FAO-OMS, 2019). Néanmoins, l’adoption de régimes plus végétaux constitue un réel défi pour de nombreux consommateurs. L’un des obstacles à cette transition réside notamment dans l’influence qu’exerce le genre sur la consommation de viande. En particulier, il est régulièrement démontré que les hommes consomment plus de viande que les femmes (Daniel et al., 2011), alors même que leurs besoins nutritionnels ne sont pas plus élevés. Cette tendance serait associée à la préservation de masculinité (Vandello et al., 2008 ; Schrock et al., 2009).

En matière de consommation de viande, l’Australie figure parmi les pays développés ayant les plus fortes consommations au monde (OCDE, 2022). Une enquête récente a notamment révélé que la majorité des Australiens considèrent la viande comme un produit masculin.

73% des australiens préfèrent voir leur espérance de vie réduite de 10 ans plutôt que de renoncer à la viande
Tuohy et al., 2021

Afin de mieux comprendre les facteurs psychologiques qui sous-tendent cette habitude alimentaire, une étude (Stanley et al. 2023) a exploré l’influence de la perception du genre sur les comportements liés à la consommation de viande.

La consommation de viande est associée à la masculinité chez les hommes

4 897 australiens ont ainsi répondu à une enquête en ligne portant sur les habitudes et les attentes liées à la consommation de viande. Une auto-évaluation de la typicité du genre également été menée.

Au cours de l’année de suivi, les hommes ont déclaré moins régulièrement réduire leur consommation de viande que les femmes. En particulier, plus les hommes se considéraient masculins, plus la probabilité qu’ils réduisent leur consommation de viande au cours de l’année était faible. A l’inverse, la perception qu’avaient les femmes de leur genre n’est pas liée à leur fréquence de consommation de viande.

Ces observations sont conformes à l’idée que les hommes mangent plus de viande que les femmes et que la consommation de viande est un moyen d’affirmer leur masculinité (Schrock and Schwalbe, 2009 ; Daniel et al., 2011). En effet, selon les auteurs, la masculinité étant plus vulnérable que la féminité, elle nécessite ainsi une démonstration constante pour être préservée (Vandello et al., 2008).

L’adoption d’un régime plus végétal perçue comme une transgression aux attentes sociales liées au genre

Ce travail montre également que de manière générale, les hommes australiens sont moins susceptibles d’envisager l’adoption d’un régime végétarien que les femmes. Ce résultat était attendu car l’adhésion à un tel régime est un comportement généralement jugé comme féminin (Mycek et al., 2018). Plus surprenant néanmoins, les résultats montrent que les femmes qui se considèrent plus féminines sont moins susceptibles d’adopter un régime végan ou végétarien que les autres femmes, cette tendance restant toutefois moins marquée que pour les hommes.

Selon les auteurs, ces observations peuvent s’expliquer par le fait que la consommation de viande est fortement ancrée dans la culture australienne. En effet, la majorité des citoyens sont exclusivement omnivores et l’Australie a même été qualifiée de « capitale mondiale de la consommation de viande » (Ting et al., 2015 ; (Sawe et al., 2017).

Dans ce contexte, les auteurs estiment que l’adoption d’un régime végétarien pourrait constituer une “violation” de certaines attentes sociétales, tant pour les hommes que pour les femmes. En particulier, les personnes qui tendent à se conformer aux attentes sociales à l’égard de leur genre seraient moins susceptibles d’adopter des comportements qui s’écartent des normes relatives à l’alimentation.

Tenir compte des freins sociaux pour concevoir des interventions visant à faire diminuer la consommation de viande

Cette étude illustre parfaitement la façon dont l’influence sociale peut constituer un frein à l’adoption d’un régime plus végétal, en particulier dans les pays où la consommation de viande reste importante. Il existe néanmoins des interventions susceptibles de pallier cette tendance.

Les auteurs pointent ainsi le besoin d‘explorer les leviers spécifiques à la population masculine pour encourager la réduction de la consommation de viande. A fortiori, puisque la littérature suggère que hommes et femmes sont tout aussi disposés à adopter un régime végétarien (Hodson and Earle, 2018). Par exemple, les hommes se définissant comme plus masculins pourraient se montrer ouverts aux alternatives protéiques végétales qui imitent la viande en termes d’apparence, d’emballage, de goût et de rôle social (Nath et al., 2011).

Plus largement, à l’échelle australienne, ils soulignent que la diffusion d’une norme dynamique relative à la réduction croissante de viande pourrait encourager les citoyens à modifier leur comportement en faveur d’un régime alimentaire plus végétalisé (Sparkman et al., 2017).

Basé sur : Stanley, S. K., et al. Masculinity Matters for Meat Consumption: An Examination of Self-Rated Gender Typicality, Meat Consumption, and Veganism in Australian Men and Women. Sex Roles, 2023; 88(3-4): 187-198.

Méthodologie
Messages clés
  • Les hommes se considérant plus masculins sont plus réticents à réduire leur consommation de viande.
  • Les hommes et les femmes qui se conforment davantage aux normes de genre sont moins susceptibles d’adopter d’un régime végétarien.
Références
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