OBÉSITÉ DE L’ENFANT : REGARDS ET PERSPECTIVES

OBÉSITÉ INFANTILE ET ATHÉROSCLÉROSE DES LIENS TRÈS PRÉCOCES

Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité dans les pays industrialisés. En prévenant l’athérosclérose, favorisée par l’obésité et les désordres qui y sont fréquemment associés, comme le diabète, l’hypertension et la dyslipidémie, on peut prévenir les maladies cardiovasculaires. Obésité et athérosclérose sont toutes deux associées à l’inflammation. Une lésion inflammatoire élémentaire précoce a été récemment mise en évidence dans le tissu adipeux d’enfants obèses, suggérant que le tissu adipeux joue un rôle central dans le développement du processus inflammatoire qui favorise l’athérosclérose. D’autres facteurs, comme la croissance foetale et postnatale précoce, ont été identifiés comme des facteurs de risque indépendants, aussi bien pour l’obésité que pour les maladies métaboliques. Le point sur ces nouvelles données :

L’ATHÉROSCLÉROSE DÉBUTE DÈS L’ENFANCE

L’athérosclérose est la cause la plus fréquente de décès et de handicap dans le monde industrialisé. Elle a une longue phase préclinique, caractérisée par le développement progressif de lésions de la paroi artérielle survenant dès l’enfance et l’adolescence, bien avant les manifestations cliniques de l’âge adulte. Les études autopsiques, ainsi que par échographie et coronarographie, ont clairement démontré des modifications athérosclérotiques des artères coronaires chez des adolescents et des jeunes adultes(1). De plus, l’augmentation de l’épaisseur de l’intima-media de la carotide et la diminution de la distensibilité artérielle suggèrent un processus athérosclérotique précoce, également présent chez les enfants(2).

SYNDROME MÉTABOLIQUE : LE RÔLE PRÉDICTIF DE L’OBÉSITÉ INFANTILE

Des anomalies métaboliques comme l’insulinorésistance, l’hypertension et la dyslipidémie, ont été clairement identifiées comme facteurs de risque cardiovasculaire et promoteurs du processus athérosclérotique(3). Les facteurs de risque cardiovasculaire, particulièrement fréquents chez les individus obèses, ont tendance à se multiplier, caractérisant ce qu’on appelle le syndrome métabolique(4). L’obésité joue un rôle central dans le développement de ce syndrome, l’accumulation excessive de graisses faisant le lit de l’insulinorésistance, l’hypertension et la dyslipidémie. De plus, chaque composante du syndrome métabolique s’aggrave avec l’augmentation de l’adiposité.

Il existe aujourd’hui des preuves de l’association de l’obésité infantile avec le syndrome métabolique de l’adulte. Il en est de même entre la survenue précoce de l’obésité et la mortalité à l’âge adulte, indépendamment de la corpulence finale(5). L’obésité infantile prédit le risque de développer une constellation de désordres métaboliques, hémodynamiques et inflammatoires, associés aux maladies cardiovasculaires. De plus, un nombre significatif d’enfants obèses souffre déjà du syndrome métabolique(6).

UNE INFLAMMATION PRÉCOCE DANS LE TISSU ADIPEUX DES ENFANTS OBÈSES

Les enfants obèses présentent souvent, comme les adultes, une inflammation de bas grade, avec des taux de CRP, TNF alpha et IL-6 circulants plus élevés que les individus de poids normal(7). Les causes de cette inflammation ne sont pas élucidées, bien que, chez les enfants obèses, une atteinte précoce caractérisée par un infiltrat de macrophages(8) ait été récemment mise en évidence.

Macrophages et adipocytes sécrètent des cytokines et des médiateurs inflammatoires, potentiellement impliqués dans les lésions lipotoxiques du foie, du pancréas et des muscles squelettiques ainsi que dans la dysfonction endothéliale(9). Ainsi, la leptine, une des cytokines les plus étudiées, est directement impliquée dans l’augmentation de l’activité angiogénique et du stress oxydatif ainsi que dans la promotion des calcifications vasculaires et la prolifération des cellules musculaires lisses(10).

Il est intéressant de noter que l’insulinorésistance peut expliquer la plupart des caractéristiques du syndrome métabolique – mais pas de l’inflammation. Cela étaye l’hypothèse que l’insulinorésistance peut se développer de façon indépendante de l’inflammation bien qu’elle soit affectée par les médiateurs inflammatoires sécrétés par le tissu adipeux. Ainsi, l’insulinorésistance aurait des éléments en commun avec l’athérosclérose.

L’ALIMENTATION AU DÉBUT DE LA VIE INFLUENCE LE RISQUE D’OBÉSITÉ À L’ÂGE ADULTE

Les périodes intra-utérine et postnatale précoce sont particulièrement sensibles pour le développement des mécanismes d’autorégulation métabolique de l’organisme. Il existe des preuves de l’impact des facteurs environnementaux précoces sur le phénotype à long terme. Ainsi, les individus exposés à la sous– ou la sur–alimentation au début de leur vie développent un phénotype “économe” qui les prédispose à l’obésité et ses conséquences tardives(11). Les enfants de poids élevé ou faible par rapport à leur âge gestationnel, ont un risque accru d’obésité et des désordres associés, par rapport aux enfants ayant un poids normal pour leur age gestationnel(12). De plus, un accroissement rapide du poids durant les premiers mois postnataux, indépendamment des autres cofacteurs de risque, a été associé à un risque plus élevé d’obésité chez les jeunes adultes(13). L’alimentation maternelle, ainsi que celle de l’enfant, jouent un rôle actif dans tous ces processus.

Sur la base de ces preuves, la prévention de l’obésité doit débuter le plus tôt possible. L’alimentation durant la grossesse ainsi que l’allaitement et la diversification alimentaire sont des cibles potentielles dans la prévention de l’obésité et des maladies métaboliques.

Claudio Maffeis
Département Mère - Enfant, Biologie-Génétique, Université de Vérone, Service de Pédiatrie, Italie
  1. McGill HC, et al. (2000) Arterioscler Thromb Vasc Biol 20:836-45.
  2. Meyer AA, et al (2006) Pediatrics 117(5):1560-7.
  3. Berenson GS. (2002) Am J Cardiol 90:3L-7L.
  4. Eckel RH et al (2005) Lancet 365:1415
  5. Must A (1992) N Engl J Med 327 :1350-5.
  6. Weiss R, et al. (2004) N Engl J Med 350:2362-74.
  7. Visser M, et al (2001) Pediatrics 107: e13.
  8. Sbarbati A, et al. (2006) Pediatrics 117(1):220-3.
  9. Maffeis C (2006) Nestle Nutr Workshop Ser Pediatr Program. (57):31-43; discussion 43-50.
  10. Singhal A, et al. (2002): Circulation 106 :1919-24.
  11. Hales CN et al (1992) Diabetologia 35:595-01.
  12. Whitaker RC et al (1998) J Pediatr 132 (5): 768-76.
  13. Stettler N (2003) Am J Clin Nutr 77(6):1374-8.
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