OBÉSITÉ DE L’ENFANT : REGARDS ET PERSPECTIVES

Édito

Si, dans les années 60, vous aviez posé la question à un congrès médical, de savoir si la santé des enfants allait s’améliorer au XXIe, la réponse univoque eut été : oui.

La vision du lien entre la santé et l’environnement se limitait à un nombre restreint de buts universels à atteindre : accès à l’eau potable, alimentation adéquate, vaccination, scolarisation. Selon toute vraisemblance, cette situation prévaudrait rapidement : les pays industriels détenaient la recette. Du temps et de l’argent résoudraient le problème. Les pédiatres ont commencé à se douter que le système était en train de se gripper dans les années 90. Ils se sont alors réunis à Bruxelles où ils ont fondé l’ECOG (European Childhood Obesity Group), à peu près au moment où naissait l’IASO (International Association For The Study Of Obesity) et l’IOTF (International Obesity Task force).

Quelques années supplémentaires furent nécessaires pour parvenir à convaincre l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) de s’intéresser au problème. Les grands acteurs de santé sont désormais réunis mais, dans quel but ? 150 millions d’écoliers et lycéens, 22 millions de jeunes enfants dans le monde sont obèses ou en passe de le devenir. Ce nombre ne cesse d’augmenter rapidement.

La première étape, difficile, nécessitait de comprendre quand et comment un environnement propice pouvait devenir délétère. On comprit rapidement que l’humanité ne suivait pas une histoire nutritionnelle graduée qui se serait résumée en : malnutrition puis situation adéquate puis obésité. L’obésité est en réalité une facette de la malnutrition.

Deuxième point : s’agissait-il d’une question de seuil (trop de matières grasses, de télévision, etc.) ou d’une combinaison synergique de facteurs de risques ? La génétique était-elle en cause ? S’agissait-il d’un phénomène sociologique : urbanisation, travail des femmes, désagrégation familiale…? Etait-il nécessaire, alors que seule une minorité d’enfants était concernée, de s’occuper de tous ?

L’association d’une piètre qualité d’aliments industriels (sucrés ou salés et gras), des boissons sucrées et la diminution de la consommation des fruits et légumes est essentielle et explique sans doute, pour partie, les liens entre cancer, maladies cardiovasculaires, diabète de type 2 et obésité. Un style de vie sédentaire diminue l’énergie dépensée et la forme physique. L’exposition des enfants à un nombre illimité de publicités catalyse les comportements à risque. De surcroît, de nouveaux éléments sont apparus : la grossesse et la petite enfance font partie de la période à haut risque durant lesquelles un changement métabolique peut mener à une capacité accrue à grossir. La plupart des complications débutent dans l’enfance mais demeurent silencieuses jusqu’à l’âge adulte. L’obésité infantile mène à une diminution de la qualité voire de l’espérance de vie. La multiplicité des causes induit une conséquence politique majeure : à une responsabilité partagée doit être apportée une réponse partagée.

Marie-Laure Frelut
Pédiatre, nutritionniste, ECOG (Groupe Européen de l’Obésité Infantile) - Service d’endocrinologie pédiatrique, Hôpital Bicêtre-Université Paris Sud - FRANCE
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