Transition alimentaire : les régimes nutritionnellement sains sont-ils compatibles avec les autres dimensions de la durabilité ?

Avis d’expert – Vers une assiette plus végétale : deux questions à Rémi Kahane

Rémi Kahane Chercheur
CIRAD
A propos de l’auteur

Rémi Kahane est agronome à l’unité HortSys du Cirad à Montpellier (France), correspondant filière de la recherche horticole pour le développement. Il a été sélectionneur d’oignons pour une coopérative agricole en Bourgogne pendant 15 ans, et secrétaire exécutif de l’Initiative mondiale pour l’horticulture de 2006 à 2013. Il a coorganisé le Congrès mondial de l’horticulture à Angers en 2022, et préside depuis 2021 le Conseil consommateur d’Aprifel.

Idée reçue 1 La végétalisation de l’assiette peut-elle être déployée à tous les niveaux ? Faux

La végétalisation systématique de l’assiette est sans doute possible mais pas recommandée, ni pour la santé du consommateur, ni pour celle de l’environnement. La transition agroécologique nutritionnelle nécessite une approche holistique tenant compte des différents contextes : géographiques et agro-pédo-climatiques, physiologiques, et aussi socio-économiques et socio-culturels, comme l’accessibilité physique et financière aux produits. Certaines situations physiologiques comme la grossesse nécessitent des apports importants en fer héminique, exclusivement présents dans des aliments d’origine animale et plus assimilable que le fer non héminique provenant de végétaux. Dans ce cas de figure, l’adoption d’un régime exclusivement végétal expose à un risque de carences sévères en nutriments essentiels pour le développement de l’embryon.

Culturellement, les pays occidentaux sont caractérisés par une consommation élevée de viande qui excède la plupart du temps les besoins physiologiques, et par une perte de diversité d’aliments bruts végétaux (légumes feuilles en particulier). De plus, cette viande provient le plus souvent d’élevages plus ou moins intensifs. A l’inverse, les pays du sud adoptent traditionnellement des régimes plus végétalisés et très diversifiés comme le régime méditerranéen, composé de produits animaux issus de la mer et de végétaux peu transformés reposant sur des systèmes agricoles plus durables. La transition vers des assiettes plus végétales s’avère donc plus lente et complexe dans les pays où la consommation de viande est ancrée dans les normes culturelles, et où les produits alimentaires sont davantage transformés.

D’un point de vue environnemental, limiter la consommation de viande implique de modifier les systèmes d’élevage, pour privilégier la qualité sur la quantité, et reconnaître les bénéfices écosystémiques des élevages durables tels que l’entretien du paysage (bocage, alpage), le maintien de la fertilité des sols (engrais, compost), la préservation de la biodiversité (prévention des zoonoses et maladies transmissibles à l’homme). À l’inverse, les systèmes d’élevage intensifs altèrent l’état écologique des écosystèmes naturels et cultivés, entraînant une pollution des sols, de l’air et de l’eau (Gis Avenir Elevages, 2023). La diversification de l’alimentation en augmentant la part de végétal peu ou pas transformé et la modération restent les clés de la santé des hommes et de la planète (One Health).

Idée reçue 1 La végétalisation de l’assiette peut-elle être déployée à tous les niveaux ? Faux

La végétalisation systématique de l’assiette est sans doute possible mais pas recommandée, ni pour la santé du consommateur, ni pour celle de l’environnement. La transition agroécologique nutritionnelle nécessite une approche holistique tenant compte des différents contextes : géographiques et agro-pédo-climatiques, physiologiques, et aussi socio-économiques et socio-culturels, comme l’accessibilité physique et financière aux produits. Certaines situations physiologiques comme la grossesse nécessitent des apports importants en fer héminique, exclusivement présents dans des aliments d’origine animale et plus assimilable que le fer non héminique provenant de végétaux. Dans ce cas de figure, l’adoption d’un régime exclusivement végétal expose à un risque de carences sévères en nutriments essentiels pour le développement de l’embryon.

Culturellement, les pays occidentaux sont caractérisés par une consommation élevée de viande qui excède la plupart du temps les besoins physiologiques, et par une perte de diversité d’aliments bruts végétaux (légumes feuilles en particulier). De plus, cette viande provient le plus souvent d’élevages plus ou moins intensifs. A l’inverse, les pays du sud adoptent traditionnellement des régimes plus végétalisés et très diversifiés comme le régime méditerranéen, composé de produits animaux issus de la mer et de végétaux peu transformés reposant sur des systèmes agricoles plus durables. La transition vers des assiettes plus végétales s’avère donc plus lente et complexe dans les pays où la consommation de viande est ancrée dans les normes culturelles, et où les produits alimentaires sont davantage transformés.

D’un point de vue environnemental, limiter la consommation de viande implique de modifier les systèmes d’élevage, pour privilégier la qualité sur la quantité, et reconnaître les bénéfices écosystémiques des élevages durables tels que l’entretien du paysage (bocage, alpage), le maintien de la fertilité des sols (engrais, compost), la préservation de la biodiversité (prévention des zoonoses et maladies transmissibles à l’homme). À l’inverse, les systèmes d’élevage intensifs altèrent l’état écologique des écosystèmes naturels et cultivés, entraînant une pollution des sols, de l’air et de l’eau (Gis Avenir Elevages, 2023). La diversification de l’alimentation en augmentant la part de végétal peu ou pas transformé et la modération restent les clés de la santé des hommes et de la planète (One Health).

Idée reçue 2 Augmenter la part de végétal rime avec perte de tradition et de lien social ? Faux

Dans des pays comme la France, la majorité des plats traditionnels tourne autour de la viande plutôt que des légumes : coq au vin, blanquette de veau, bœuf bourguignon …. Les discussions autour des repas, la transmission de recettes, le partage de savoir-faire permettent d’établir et d’entretenir un lien social. On pourrait alors penser qu’en adhérant à des régimes plus végétalisés, on s’écarte des traditions et par conséquent, on perd le lien établi autour de ces repas. Pourtant, il est tout à fait possible de transposer des recettes à base de viande avec des alternatives végétales. Dans de nombreux pays africains, la base principale des spécialités culinaires est végétale : riz et aubergines africaines pour le thieboudienne du Sénégal, feuilles d’oseille de Guinée pour le ndolé camerounais et jeunes pousses mafane pour le roumazave de Madagascar, par exemple.

La question du lien social ne dépend finalement pas du régime auquel on adhère mais plutôt de la qualité et de l’origine des aliments. Nous sommes dans une société où la surconsommation d’aliments ultra-transformés comme les plats préparés et les snackings diminue fortement la valeur sociale des repas. D’une part, on perd le lien avec le producteur et/ou l’éleveur et de l’autre, on perd l’échange autour de l’aliment et donc la sociabilisation. Contrairement aux aliments ultra-transformés, les aliments bruts, et plus particulièrement les fruits et légumes, apportent une valeur sociale. Derrière chacun de ces aliments, il y a une histoire à raconter.

Idée reçue 2 Augmenter la part de végétal rime avec perte de tradition et de lien social ? Faux

Dans des pays comme la France, la majorité des plats traditionnels tourne autour de la viande plutôt que des légumes : coq au vin, blanquette de veau, bœuf bourguignon …. Les discussions autour des repas, la transmission de recettes, le partage de savoir-faire permettent d’établir et d’entretenir un lien social. On pourrait alors penser qu’en adhérant à des régimes plus végétalisés, on s’écarte des traditions et par conséquent, on perd le lien établi autour de ces repas. Pourtant, il est tout à fait possible de transposer des recettes à base de viande avec des alternatives végétales. Dans de nombreux pays africains, la base principale des spécialités culinaires est végétale : riz et aubergines africaines pour le thieboudienne du Sénégal, feuilles d’oseille de Guinée pour le ndolé camerounais et jeunes pousses mafane pour le roumazave de Madagascar, par exemple.

La question du lien social ne dépend finalement pas du régime auquel on adhère mais plutôt de la qualité et de l’origine des aliments. Nous sommes dans une société où la surconsommation d’aliments ultra-transformés comme les plats préparés et les snackings diminue fortement la valeur sociale des repas. D’une part, on perd le lien avec le producteur et/ou l’éleveur et de l’autre, on perd l’échange autour de l’aliment et donc la sociabilisation. Contrairement aux aliments ultra-transformés, les aliments bruts, et plus particulièrement les fruits et légumes, apportent une valeur sociale. Derrière chacun de ces aliments, il y a une histoire à raconter.

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