Transition alimentaire : les régimes nutritionnellement sains sont-ils compatibles avec les autres dimensions de la durabilité ?

Transition alimentaire : l’urgence d’une vision transverse intégrant santé, environnement et économie

Améliorer la qualité de l’alimentation tout en préservant l’environnement est un enjeu crucial à l’échelle mondiale. Malgré cette motivation commune, l’adoption d’une vision réellement transverse de la durabilité reste difficile. Récemment, une revue de la littérature a cherché à évaluer l’impact de la transition vers des modèles alimentaires définis a priori en tenant compte de plusieurs dimensions de l’alimentation durable. Il s’agit de la première étude à inclure l’accessibilité financière dans son analyse. Ce travail montre notamment que les régimes sains à faible impact environnemental peuvent être plus coûteux, mais constituent une stratégie « gagnant-gagnant » contre l’obésité et d’autres maladies non transmissibles.

Depuis plusieurs années, les instances mondiales s’accordent sur l’idée qu’il est possible d’adopter une alimentation favorisant à la santé individuelle et la santé de la planète (Torsjen, 2019). Les recommandations actuelles sont ainsi basées sur des « modélisations a priori », mais ne sont pas toujours adaptées aux habitudes alimentaires et socioculturelles réelles (Bricas et al., 2011). De plus, certaines études montrent que les régimes sains et durables restent financièrement inaccessibles pour de nombreuses personnes.

Impulser la transition vers une alimentation durable nécessite d’illustrer les modèles a priori à travers des exemples concrets de régimes alimentaires adoptés dans différents pays. Dans ce but, une revue récente (Leydon et al., 2023) a évalué l’impact de la transition vers des modèles alimentaires définis a priori en s’appuyant sur 4 dimensions d’une alimentation durable :

  • la qualité nutritionnelle,
  • les facteurs de risque métabolique pour les maladies non transmissibles,
  • les impacts environnementaux,
  • l’accessibilité financière

La qualité nutritionnelle synonyme de moindre pression environnementale

Au total, 22 études évaluant la qualité nutritionnelle, l’impact environnemental et/ou la durabilité de régimes alimentaires ont été inclues dans cette revue.
Les données montrent les régimes de haute qualité nutritionnelle exercent également une faible pression environnementale. Toutefois, l’inverse n’est pas encore prouvé, les régimes à faible impact environnemental n’étant pas toujours nutritionnellement qualitatifs.

Des zones d’incertitude restent cependant à lever sur cette question pour prendre en compte la demande énergétique, les gaz à effet de serre et l’utilisation d’eau, en particulier pour les régimes végétariens et végétaliens (Kesse-Guyot et al., 2020 ; Beiscrok et al., 2017 ; Rosi et al., 2017).

Par ailleurs, les régimes de haute qualité nutritionnelle peuvent exercer un effet positif sur l’indice de masse corporelle, sans que cela soit systématique. Ces données soulignent l’urgence d’impulser la transition alimentaire des populations (Seconda et al, 2020).

Les régimes sains et durables pourraient être plus coûteux

Les données inclues concernant le volet économique étant trop peu nombreuses, ce travail n’a pas permis d’établir un lien entre alimentation de qualité et coût. En effet, le peu d’études ayant examiné cette question étaient uniquement orientées vers la consommation de produits biologiques. Seules trois études ont fait état d’un coût financier plus élevé en cas d’adhésion aux recommandations alimentaires (Kesse-Guyot et al., 2020 ; Baudry et al. 2019) et au régime EAT-Lancet (Kesse-Guyot et al., 2021).
Ces données suggèrent que les régimes alimentaires sains et durables sont moins abordables, en particulier dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, et pour les personnes au statut socio-économique modeste (Drewnoski et al, 2020 ; Hirvonen et al, 2020).

En définitive, concilier écologie et nutrition serait généralement plus coûteux pour les consommateurs. Cette conclusion reste nuancée dans les pays développés où la réduction des protéines animales pourrait permettre de contenir la hausse du coût de l’alimentation durable.

De progrès restent à faire dans l’évaluation environnementale des régimes alimentaires

La transition des systèmes alimentaires vers davantage de durablité est essentielle pour faire face aux conséquences du changement climatique. Néanmoins, cette transition est complexe à mettre en œuvre, en raison notamment du contexte économique des acteurs de la chaîne alimentaire (Monsivais et al., 2015). En utilisant les différentes méthodologies reconnues par la communauté scientifique, les auteurs indiquent qu’il est cependant possible d’identifier des pistes d’amélioration pour soutenir la transition vers des régimes alimentaires durables.

Au-delà ce travail pointe divers besoins de recherche complémentaires. A commencer par la question des indicateurs environnementaux permettant d’évaluer la durabilité. L’indicateur d’impact environnemental utilisé dans la majorité des études est l’évaluation des émissions de gaz à effet de serre. Dans cette revue, une seule étude couvre l’utilisation et la toxicité de l’eau et une autre un éventail d’impacts environnementaux. Ainsi les auteurs soulignent qu’un diagnostic aussi complet que possible des systèmes alimentaires actuels reste l’un des seuls moyens d’assurer une transition rapide. L’inclusion d’autres indicateurs reflétant les différentes dimensions des systèmes alimentaires permettrait de fournir une vision holistique de l‘évolution vers un régime alimentaire plus durable.

Basé sur : Leydon L. et al. Aligning Environmental Sustainability, Health Outcomes, and Affordability in Diet Quality: A Systematic Review. Adv Nutr. 2023 Nov;14(6):1270-1296.

Méthodologie
Messages clés
  • Les coûts des régimes alimentaires durables constituent toujours un double défi : l’évaluation et le contrôle.
  • Les politiques publiques devraient exploiter les résultats de cette revue systématique afin de développer des régimes alimentaires sains et durables adaptés à différentes populations.
  • Trop peu d’études présentent une évaluation holistique de l’alimentation durable : la recherche dans ces domaines reste coûteuse et certains paramètres sont encore en cours d’évaluation par la communauté scientifique.
  • Les travaux futurs devraient prendre en compte d’autres dimensions des systèmes alimentaires durables, telles que l’accessibilité financière et l’utilisation de l’eau.
Références
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