Transition alimentaire : les régimes nutritionnellement sains sont-ils compatibles avec les autres dimensions de la durabilité ?

États-Unis : réduire la part des produits animaux, en particulier de la viande rouge, pour améliorer la durabilité du système alimentaire

Le système alimentaire américain contribue fortement aux émissions de gaz à effet de serre ainsi qu’à l’utilisation de ressources naturelles. Afin d’améliorer sa durabilité, une étude a examiné l’impact environnemental de 5 modèles alimentaires aux États-Unis. Pour chaque modèle, l’impact des différents groupes d’aliments a été évalué en termes de gaz à effet de serre, utilisation d’eau et de terres. En cohérence avec la littérature existante, ce travail identifie comme levier majeur de durabilité la diminution de la consommation de viande rouge et de la place des produits d’origine animale. Au-delà, cette étude permet d’apporter des données spécifiques au contexte nord-américain et aller plus loin que la seule question des émissions de gaz à effet de serre.

Les États-Unis sont le deuxième émetteur au monde de gaz à effet de serre, derrière la Chine. L’agriculture et la sylviculture américaines contribuent à 11,2% des émissions de gaz à effet de serre (USDA, 2022). L’agriculture utilise également près de 80% des eaux souterraines et de surface et 65% des terres (Nickerson et al., 2012 ; USDA, 2019). Réduire les impacts environnementaux du système alimentaire américain est ainsi un enjeu majeur. Pour y parvenir il s’agit à la fois d’améliorer les pratiques de production et de faire évoluer la demande des consommateurs.

Le rapport de la commission EAT-Lancet s’intéresse spécifiquement à ce second levier d’action et recommande de faire évoluer les comportements alimentaires vers des régimes avec une faible consommation de produits d’origine animale pour améliorer la durabilité des systèmes alimentaires (Garnett et al., 2011 ; Soret et al., 2014 ; Aleksandrowicz et al., 2016 ; Willett et al., 2019). Toutefois, la majorité des études citées dans ce rapport sont issues de pays européens. Seuls quelques travaux se sont intéressés au contexte et spécificités nord-américaines.

Les régimes omnivores sont les plus « lourds » au plan environnemental

Afin de compléter les connaissances existantes, l’étude de Jennings et al., 2023 a ainsi examiné l’impact environnemental de différents modèles alimentaires aux Etats-Unis. L’impact de 5 régimes alimentaires – les consommations alimentaires actuelles et 4 régimes recommandés par l’USDA – ont été évalués sous l’angle de 3 indicateurs environnementaux :

  • Le régime américain actuel,
  • Le régime américain « sain »,
  • Le régime méditerranéen,
  • Le régime « sain » végétarien,
  • Le régime végétalien.

Les 3 régimes omnivores sont ceux qui contribuent le plus aux indicateurs environnementaux (voir figure 1 ci-dessous) :

Figure 1 : Indicateurs environnementaux étudiés pour chaque modèle alimentaire américain (d’après Jennings et al., 2023)
  • Le régime américain actuel est celui qui utilise le plus de terres ;
  • Le régime américain “sain” est celui qui utilise le plus d’eau ;
  • Le régime méditerranéen est celui qui contribue le plus aux émissions de gaz à effet de serre.

A l’inverse, les régimes végétariens et végétaliens affichent les impacts environnementaux les plus faibles.

La viande rouge, principal contributeur des impacts environnementaux des régimes omnivores

Lorsque l’on examine l’impact spécifique de chaque sous-groupe d’aliments, pour les régimes omnivores, la viande rouge est l’aliment qui contribue le plus aux indicateurs environnementaux. Le lait entier est également un contributeur important pour les trois indicateurs, ainsi que les poissons à faible teneur en oméga-3 pour les émissions de gaz à effet de serre.

Concernant les régimes à base de végétaux, les groupes d’aliments contribuant le plus aux indicateurs environnementaux sont :

  • Émissions de gaz à effet de serre : produits laitiers et oléagineux (régimes végétarien et végétalien) ;
  • Utilisation d’eau : oléagineux pour le régime végétalien et lait entier pour le régime végétarien ;
  • Utilisation des terres : lait entier, fromage, céréales complètes pour le régime végétarien et céréales complètes et raffinées pour le régime végétalien.

Accompagner la transition et intégrer davantage d’externalité environnementales

Ainsi, d’après ce travail le changement le plus important que les Américains pourraient apporter à leur alimentation pour la rendre plus durable serait d’aller vers un régime végétarien/ végétalien ou de réduire leur consommation de viande rouge et, éventuellement, de produits laitiers.

Les résultats de cette étude sont en accord avec la littérature existante et apportent des informations nouvelles tant sur les spécificités nord-américaines que sur une vision plus globale des impacts environnementaux. Ce travail propose ainsi une réflexion plus approfondie sur les potentiels compromis à faire en matière de choix alimentaires. Il invite également à une amélioration continue des modes de production afin d’aller vers une utilisation des ressources naturelles la plus modeste possible que ce soit pour les aliments d’origine animale ou végétale.

Comme le soulignent les auteurs, il reste à déterminer comment encourager les individus à effectuer la transition vers des comportements alimentaires plus durables, notamment du point de vue des politiques publiques.

Enfin, pour de fournir une vision encore plus globale, les auteurs invitent les futurs travaux à considérer diverses externalités non prises en compte dans cette analyse : adéquation nutritionnelle des régimes, acceptabilité culturelle et économique, etc.

Basé sur : Jennings R., et al. Five U.S. Dietary Patterns and Their Relationship to Land Use, Water Use, and Greenhouse Gas Emission: Implications for Future Food Security. Nutrients, 2023 ; 15(1) : 215.

Méthodologie
Messages clés
  • Les régimes alimentaires omnivores sont ceux qui contribuent le plus aux émissions de gaz à effet de serre ainsi qu’à l’utilisation des terres et de l’eau.
  • La viande rouge est le principal contributeur aux impacts environnementaux dans les modèles alimentaires omnivores.
  • Les produits laitiers, les oléagineux et les céréales sont les principaux contributeurs aux indicateurs environnementaux dans les modèles végétariens et végétaliens.
Références
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