Transition alimentaire : les régimes nutritionnellement sains sont-ils compatibles avec les autres dimensions de la durabilité ?

Cantines scolaires : augmenter la fréquence des repas végétariens reste-il compatible avec la santé ?

Petite fille dégustant une salade à la cantine

Adoptée en 2018 en France, la loi EGAlim prévoyait notamment l’introduction d’un repas végétarien hebdomadaire en restauration scolaire. Si elle vise à encourager la transition vers des repas plus durables, l’offre végétarienne est encore souvent perçue comme inadéquate pour couvrir les besoins nutritionnels des enfants. Dans ce contexte, une étude récente a évalué la qualité nutritionnelle et l’impact environnemental de 249 repas, végétariens et non végétariens, servis dans les écoles primaires de Dijon en 2019. Les résultats montrent notamment que l’augmentation de la fréquence des repas végétariens permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en maintenant une qualité nutritionnelle adéquate.

La transition vers des systèmes alimentaires plus durables implique d’améliorer la qualité nutritionnelle de l’alimentation tout en limitant leur impact environnemental (Clark et al., 2019 ; Willett et al., 2019). En 2018, la France a adopté la loi EGAlim visant notamment à augmenter la durabilité de l’offre en restauration scolaire (Légifrance, 2018). Les objectifs de cette loi ont été modifiés en 2021 afin d’augmenter l’offre de repas végétariens dans les cantines des écoles primaires (Ministère de l’Agriculture et de la Transition Alimentaire, 2021).

Si la réduction de la part des protéines d’origine animale est essentielle pour construire des systèmes alimentaires durables, il reste à démontrer que les alternatives végétales garantissent une qualité nutritionnelle adéquate. Plus particulièrement, de nombreux travaux estiment qu’un repas sans viande est insuffisant pour couvrir les besoins nutritionnels des enfants (Vieux et al., 2018). Afin d’éclairer cette question, une étude récente (Dahmani et al., 2022) a évalué et comparé la qualité nutritionnelle ainsi que l’impact environnemental de repas végétariens et non végétariens servis dans les écoles primaires de Dijon.

Un tiers des apports énergétiques des enfants couverts par la cantine

Sur l’année 2019, 249 repas, végétariens (n = 66, 26.5%) et non-végétariens (n = 183, 73.5%), ont été servis dans les écoles primaires de la ville de Dijon. Pour chacun de ces repas, les paramètres suivants ont été mesurés :

  • Poids total (en g) ;
  • Valeur énergétique (en kcal) ;
  • Qualité nutritionnelle globale : à l’aide des indicateurs MAR , MER;
  • Empreinte environnementale : estimation des émissions de gaz à effet de serre (EGES en kgCO2eq)

Les résultats montrent qu’en moyenne, les repas servis – qu’ils soient ou non végétariens – permettent d’apporter 659kcal par jour soit 33% des 2000kcal recommandées pour les enfants de 6 à 11 ans. En particulier, un repas de 2000kcal permettrait de couvrir 88,3% des apports nutritionnels conseillés pour 23 nutriments essentiels et représenteraient 19,1% les apports maximums en sel, acides gras saturés et sucres totaux.

Une qualité nutritionnelle équivalente mais un impact environnemental nettement plus important pour le repas omnivore

L’analyse des repas montre que les propositions végétariennes et omnivores présentent des poids et des valeurs énergétiques similaires. De même, la qualité nutritionnelle des deux options est globalement équivalente (voir tableau ci-dessous).

 Repas végétarien Repas omnivore 
Indicateur MAR/2000kcal 87,5% 88,5% 
Indicateur MER/2000kcal 19,3% 19,1% 
Tableau 1 : Qualité nutritionnelle des repas végétariens et non végétariens (d’après Dahmani et al., 2022) 

Néanmoins, lorsque l’on compare 5 sous-catégories de repas en fonction du contenu protéique, les indicateurs de qualité nutritionnelle sont significativement plus faibles pour les plats végétaliens que pour les plats à base de poissons, d’œufs et/ou de fromages.

En ce qui concerne l’empreinte environnementale, le repas omnivore émet 2 fois plus de gaz à effet de serre que le repas végétarien. Les émissions de gaz à effet de serre sont d’autant plus élevées pour les plats à base de viande rouge, suivis par les plats à base de poissons, de porc ou de volaille et enfin les plats à base d’œufs et/ou de fromages.

Le repas omnivore émet 2 fois plus de gaz à effet de serre que le repas végétarien.

Ainsi, les auteurs indiquent que l’augmentation de la fréquence de repas végétariens dans les cantines scolaires permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en garantissant une qualité nutritionnelle adéquate.

Élargir les indicateurs d’impact utilisés pour évaluer la durabilité des repas scolaires

Dans le cadre de ce travail, seuls deux indicateurs nutritionnels et un indicateur environnemental ont été examinés. Ainsi que le souligne les auteurs, il aurait été intéressant d’analyser d’autres indicateurs d’impacts (voir encadré) comme l’eutrophisation d’eau douce, l’acidification de l’air, ou encore la toxicité pour l’homme. De même, l’évaluation de la biodisponibilité des nutriments aurait été pertinente dans la mesure où celle du zinc et du fer est réduite lorsque ces minéraux proviennent de sources végétales.

Enfin, les auteurs suggèrent aux futurs travaux d’intégrer des indicateurs reflétant les différentes dimensions des systèmes alimentaires, tels que la fréquentation des cantines scolaires, le gaspillage alimentaire, le coût des repas et l’appréciation des repas par les enfants. Cette démarche permettrait d’obtenir une vision holistique de l‘évolution des repas scolaires vers plus de durabilité.

Basé sur : Dahmani J, et al. Nutritional quality and greenhouse gas emissions of vegetarian and non-vegetarian primary school meals: A case study in Dijon, France. Front Nutr. 2022 Oct 10;9:997144.

Indicateurs d’impacts environnementaux

L’ADEME, définit l’impact environnemental comme l’ensemble des modifications qualitatives, quantitatives et fonctionnelles de l’environnement (négatives ou positives) engendrées par un projet, un processus, un procédé, un ou des organismes et un ou des produits, de sa conception à sa « fin de vie ».
Au nombre d’une douzaine, ces impacts affectent principalement la qualité de l’air, la qualité de l’eau, les ressources et la santé humaine (ADEME, 2021). Ces impacts pourraient être utilisés pour évaluer l’impact de l’accroissement de la fréquence des repas végétariens en restauration scolaire. Par exemple :

  • Eutrophisation d’eau douce correspond à l’introduction de nutriments, sous la forme de composés azotés et phosphatés, conduisant au développement voire à la prolifération d’algues et à l’asphyxie du milieu. L’apport de phosphates dans le milieu naturel provient notamment des activités humaines (agriculture, procédés industriels).
  • Acidification de l’air  est liée aux émissions d’oxydes d’azote, d’oxydes de soufre, d’ammoniac et d’acide chlorhydrique. Ces polluants se transforment en acides en présence d’humidité, leurs retombées pouvant dégrader les écosystèmes mais aussi les bâtiments.
  • Toxicité pour l’homme : les activités humaines utilisent des substances susceptibles d’être émises dans l’atmosphère et l’environnement (ADEME, 2018).
Méthodologie
Messages clés
  • Les repas végétariens et non végétariens présentent une qualité nutritionnelle similaire.
  • Le repas non végétarien émet 2 fois plus de gaz à effet de serre que le repas végétarien.
  • Les travaux futurs devraient tenir compte d’autres dimensions des systèmes alimentaires durables afin de fournir une vision globale de l’évolution des repas en cantines scolaires.
Références
Retour Voir l'article suivant