Cancer colorectal : les polyphénols auraient un effet protecteur et atténueraient les effets secondaires de la chimiothérapie

Avec plus de 47 000 nouveaux cas recensés en 2023 en France, le cancer colorectal fait partie des plus fréquents. Dans une optique de prévention mais également d’amélioration de la prise en charge, les effets des composés bioactifs apportés par l’alimentation sont de plus en plus étudiés. De par leurs propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires, les polyphénols et les caroténoïdes sont parmi les composés les plus étudiés. Une revue récente a examiné les données disponibles sur le rôle de ces composés dans la carcinogenèse. Cette étude montre que les polyphénols sont capables de réguler les processus cellulaires impliqués dans le développement et la progression du cancer colorectal. Ces composés permettraient également d’atténuer les effets secondaires liés à la chimiothérapie.

Le cancer colorectal est une pathologie fréquente – 3e cancer mondial en termes d’incidence – et meurtrière (2e cancer mondial en termes de mortalité) (OMS, 2023). Bien qu’il s’agisse d’une maladie multi-factorielle, les habitudes de vie et notamment l’alimentation y jouent un rôle prépondérant. Une alimentation riche en graisses, viandes transformées et pauvre en fruits et légumes favorise l’installation d’un état pro-inflammatoire, et constitue un facteur de risque, contribuant à la survenue et la progression du cancer (Nosrati et al., 2017). A l’inverse, une alimentation saine, riche en fruits et légumes est un facteur de protection. Cet effet serait notamment lié au panel de composés bioactifs bénéfiques apportés par l’alimentation.

Parmi ces derniers les polyphénols – puissants antioxydants retrouvés exclusivement dans les aliments d’origine végétale – sont particulièrement étudiés. A travers différents mécanismes liés à leur absorption et leur métabolisme, ces composés sont en effet capables de moduler certains processus cellulaires clés. Récemment, une revue (Delgrado-Gonzalez et al., 2023) a rassemblé les connaissances disponibles concernant le rôle des polyphénols et d’autres composés bioactifs dans la régulation des voies métaboliques associées au cancer colorectal. Ce travail explore également le potentiel de ces composés dans l’approche thérapeutique du cancer.

Les/des ? polyphénols régulent les mécanismes impliqués dans la carcinogenèse colorectale

L’altération de certaines voies métaboliques est une caractéristique du cancer (La Vecchia et al., 2020). Aussi, comprendre la manière dont ces voix sont modulées est un enjeu de recherche majeur afin d’optimiser les traitements actuels. Plusieurs substances phytochimiques impliquées dans la régulation de voies métaboliques ont été identifiées. Dans le cadre du cancer colorectal, la curcumine et la quercétine figurent parmi les composés les plus étudiés.

En agissant sur des voies de signalisation comme l’apoptose, l’arrêt du cycle cellulaire ou encore l’autophagie, la curcumine possède plusieurs propriétés :

• Anti-angiogéniques ;
• Anti-tumorales ;
• Anti-prolifératives ;
• Anti-inflammatoires.

La curcumine est notamment capable d’augmenter l’expression d’une protéine – GDD45a – activée en cas de dommages à l’ADN. En réponse au stress, cette protéine active à son tour une voie de l’apoptose ciblant uniquement les cellules tumorales, préservant ainsi l’intégrité des cellules saines (Weng et al., 2022). Toutefois, l’utilisation de la curcumine en tant qu’agent thérapeutique reste limitée en raison de sa faible solubilité et de son métabolisme dans l’organisme.

La quercétine présente quant à elle des propriétés antitumorales en régulant notamment les voies de transduction impliquées dans la carcinogenèse. Ce composé dispose également de propriétés anti-inflammatoires et antioxydantes.

Les polyphénols des leviers pour optimiser les traitements ?

Au-delà des effets directs sur le développement et la progression du cancer colorectal, les polyphénols permettraient également de limiter les effets secondaires de la chimiothérapie.

Des études récentes démontrent notamment que la curcumine est capable d’atténuer les lésions hépatiques et intestinales induites par les traitements chimiothérapeutiques du cancer colorectal (Ouyandg et al., 2019 ; Lu et al., 2019). La quercétine permettrait quant à elle d’augmenter la sensibilité des cellules tumorales à la chimiothérapie (Zhou et al., 2020 et d’inverser la résistance à certains médicaments (Vemuri et al., 2019).

Ainsi, l’utilisation de polyphénols en tant qu’agents sensibilisateurs et/ou d’atténuation d la chimiothérapie et la radiothérapie pourrait limiter la résistance aux médicaments et minimiser la toxicité associée (Mileo et al., 2019; Bracci et al., 2021). Des recherches supplémentaires sur le traitement auxiliaire par les polyphénols alimentaires pourraient permettre d’améliorer les résultats des traitements, la qualité de vie des patients, tout en minimisant les coûts et les effets indésirables.

Compléter et approfondir les données disponibles pour imaginer de nouveaux modes de prise en charge

Considérant l’ensemble de ces données, les auteurs de la revue soulignent les bénéfices d’une alimentation de bonne qualité, riche en polyphénols dans le cadre du traitement du cancer colorectal. Toutefois, des points restent à éclaircir concernant le métabolisme et les effets bénéfiques de ces composes sur la santé. Les auteurs de ce travail pointent notamment la nécessité de tenir compte de la forme d’administration ainsi que de l’état physiologique des patients.

Le faible nombre d’études disponibles constitue une limite supplémentaire. Si plusieurs essais in vitro ont démontré l’efficacité de ces composés sur des lignées de cellules cancéreuses, des recherches en culture primaire sont nécessaires afin d’évaluer l’efficacité des polyphénols à différentes doses thérapeutiques.

Basé sur : Delgado-Gonzalez P, et al. Bioactive Compounds of Dietary Origin and Their Influence on Colorectal Cancer as Chemoprevention. Life (Basel). 2023 Sep 28;13(10):1977.