Conception de repas durables : une nouvelle méthode tenant compte de l’acceptabilité validée par des études de cas

Un nombre croissant de travaux utilise la modélisation dans le but de concevoir des régimes alimentaires plus durables. Si ces méthodes se sont montrées efficaces pour intégrer les aspects nutritionnels, économiques et environnementaux, elles ne tiennent pas compte des habitudes culturelles et de l’attractivité des repas. Afin d’y pallier, une étude récente a proposé une approche innovante, basée sur la programmation linéaire, pour intégrer ces paramètres. Cette méthode a été testée avec succès pour la définition des menus servis en restauration scolaire ainsi qu’en maison de retraite.

Concevoir des régimes alimentaires durable nécessite de tenir compte des différentes dimensions de la durabilité que sont la santé humaine, la santé de l’environnement et les aspects socio-économiques. Pour répondre à cet objectif, plusieurs outils mathématiques ont été développés tels que la programmation linéaire. Cette dernière s’est notamment avérée efficace pour proposer des régimes adéquats sur le plan nutritionnel tout en minimisant leur impact économique et environnemental. Toutefois, des progrès restent à faire pour intégrer à ces modèles la question de l’acceptabilité socio-culturelle (van Dooren et al., 2018).

En effet, l’acceptabilité est un élément clé à considérer lors de la conception de régimes alimentaires. Elle repose sur la palatabilité des aliments et les habitudes alimentaires qui, à leur tour, sont déterminées par des facteurs culturels, traditionnels et environnementaux (Reddy et al., 2015). Si plusieurs tentatives ont été menées pour inclure ce paramètre dans l’élaboration de régimes durables, aucune étude ne s’est pour le moment montrée concluante.

Récemment, une équipe de chercheurs (Benvutti et al., 2020) a proposé une approche innovante de modélisation linéaire qui permettrait de tenir compte de l’acceptabilité dans la conception de plans alimentaires.

Un modèle qui tient compte de l’acceptabilité pour la conception de repas durables

Le modèle évalué dans cette étude est utilisé pour concevoir des plans alimentaires en fournissant la séquence et la composition de repas quotidiens (ordre et liste des plats constituant le repas) sur une période donnée. Chaque repas peut être constitué de plats issus d’un ensemble de recettes préalablement définies et habituelles pour les utilisateurs. Ainsi, cette approche permet de modéliser la répartition de plats à des moments donnés d’un emploi du temps, se voulant la plus réaliste possible.

Afin de tenir compte de l’ensemble des dimensions de la durabilité des régimes, cette méthode utilise divers critères pour la sélection des plats :

• Paramètres nutritionnels : densité énergétique et teneurs en macro et micronutriments ;
• Impacts environnementaux : utilisation des terres, de l’eau, eutrophisation, empreinte carbone ;
• Paramètre économique : prix du plat.

Enfin, pour répondre aux exigences culturelles et garantir l’attractivité et la diversité du plan alimentaire, chaque plat a été caractérisé par sa composition et son rôle dans le repas :

• Groupe alimentaire : général (céréales, produits laitiers, fruits/légumes…) ou détaillé (pâtes, riz, pain, fromage, yaourt, lait…)
• Groupe d’utilisation : plat principal, deuxième plat, accompagnement…etc.

Une méthode testée et approuvée dans 3 études de cas

L’efficacité de ce nouveau modèle a été testée dans 3 études de cas. Deux d’entre elles ont porté sur la conception d’un plan alimentaire en cantine scolaire sur une période de 4 semaines (Ribal et al., 2016 ; Benvenuti et al., 2016). La dernière s’est intéressée à l’élaboration d’un plan alimentaire en maison de retraite sur 14 jours (Benvenuti et al., 2019).

Le tableau 1 résume le nombre de paramètres utilisés dans chaque étude pour concevoir les plans alimentaires. Ces travaux ont utilisé le modèle d’optimisation dans un ordre croissant de complexité, la troisième étude ayant intégré un nombre plus important de paramètres et de groupes d’aliments.

Tableau 1 : Paramètres utilisés pour la conception des plans alimentaires dans les études de cas
(d’après Benvutti et al., 2020)

Pour chaque étude, les résultats montrent que les plans alimentaires élaborés garantissent des apports nutritionnels adéquats, sont variés, culturellement acceptables, abordables et présentent de faibles impacts environnementaux. Ensemble, ces travaux confirment donc l’efficacité du nouveau modèle d’optimisation.

Un modèle transposable à d’autres secteurs de la restauration

Dans les 3 études présentées dans cet article, l’ensemble des plats envisagés pour l’élaboration des plans alimentaires correspondent à des recettes habituellement proposées dans les écoles ou les maisons de retraite. Ainsi, les conclusions de ce travail montrent que le modèle d’optimisation fournit un calendrier intelligent de repas ne nécessitant pas de frais supplémentaire pour adapter des recettes existantes.

Par conséquent, la méthode peut être appliquée à d’autres secteurs de la restauration, tels que les cantines d’entreprise et les chaînes de restauration. Il serait également pertinent d’envisager des contraintes supplémentaires liées par exemple à des besoins nutritionnels spécifiques en cas de diabète, de maladie cœliaque, etc.

Basé sur : Benvenuti L, De Santis A. Making a Sustainable Diet Acceptable: An Emerging Programming Model With Applications to Schools and Nursing Homes Menus. Front Nutr. 2020 Nov 6;7:562833.