Végétal, forcément synonyme de sain et durable ?

Diversification alimentaire : les régimes végétariens ou végétaliens ne sont pas adaptés aux besoins nutritionnels de l’enfant

Alors que les travaux menés chez l’adulte montrent des bénéfices des régimes végétariens vis-à-vis des maladies non-transmissibles, peu d’études ont évalué leurs effets sur la croissance et le développement de jeunes enfants. Une revue systématique de la littérature vient d’examiner les données existantes sur cette question. D’après ce travail, les régimes végétariens ou végétaliens suivis durant la diversification alimentaire exposent à des risques de carences ou de déficiences importantes en micronutriments. Par ailleurs, aucune donnée ne permet actuellement d’affirmer qu’un régime végétarien/végétalien présente des avantages durables pour la santé lorsqu’il est adopté à un si jeune âge.

La diversification alimentaire constitue une période clé dans la vie du jeune enfant. Cette étape est particulièrement importante car la moindre carence nutritionnelle est susceptible d’impacter la croissance et le développement de l’enfant (Schürmann, 2017). Ainsi, une alimentation saine, apportant tous les nutriments essentiels, est fortement recommandée à cette étape et tout au long de l’enfance (OMS, 2018).

Depuis quelques décennies, un nombre croissant de personnes adopte des régimes végétariens, voire végétaliens (voir encadré) dans de nombreux pays occidentaux. Le Royaume-Uni, par exemple, compte actuellement 3 à 7 % de personnes se déclarant végétariennes, contre 0.2% en 1940 (Philips, 2005). Les enfants ayant tendance à suivre les habitudes alimentaires de leurs parents, il convient de supposer que la part de jeunes enfants suivant un régime végétarien/végétalien augmente également.

Du fait des exclusions que ce type de régimes suppose, leur impact en termes d’apports nutritionnels et de conséquences sur la croissance et le développement se pose, a fortiori à la période clé de la diversification alimentaire. Une revue systématique de la littérature (Simeone et al, 2022) vient d’examiner les connaissances disponibles à ce sujet (voir méthodologie).

Des carences nutritionnelles, observées chez les enfants suivant un régime végétarien

Les conséquences des carences en certains nutriments – notamment au cours de la diversification alimentaire – ont été largement étudiés. En effet, cette période est cruciale pour la croissance des nourrissons car ils sont particulièrement vulnérables aux déficiences et/ou excès nutritionnels (Lövblad, 1997). Si les preuves manquent encore de qualité, les études de cas s’accordent toutes pour démontrer la gravité des séquelles neurologiques et des retards de croissance chez les enfants suivant un régime végétalien.

L’exclusion de la viande, du poisson et des produits carnés d’origine animale de l’alimentation pendant les deux premières années de la vie est un facteur déterminant de la carence en vitamine B12, responsable d’anémies, de retards de croissance, d’anomalies cérébrales, ainsi que de démyélinisation (Lemoine, 2020 ; Lund, 2019 ; Lövblad, 1997). D’autres nutriments peuvent également être déficitaires, comme le calcium, le fer, l’iode, le zinc, le sélénium, les acides aminés essentiels ainsi que les oméga 3 (EPA et DHA) (Kristensen, 2015 ; Black, 2008 ; Algarin, 2013).

Peu d’études ont évalué les conséquences à long terme, ainsi que les potentiels effets irréversibles des carences précoces liées aux régimes végétariens/végétaliens – retards moteurs ou cognitifs, liens possibles avec des troubles psychopathologiques. Pour des raisons éthiques, aucune étude interventionnelle n’a examiné l’impact des régimes végétariens/végétaliens non supplémentés sur le développement physique et neurocognitif des enfants.

Aucun effet protecteur sur les maladies non transmissibles démontré au cours des premières années de vie

Chez l’adulte, les régimes végétariens/végétaliens ont montré des bénéfices vis-à-vis des maladies non-transmissibles – diabète de type 2, obésité, maladies cardiovasculaires et certains cancers (Satija, 2018 ; Olfert, 2018). Ils sont notamment associés à des effets positifs sur certains paramètres – réduction des taux de cholestérol LDL et sérique, notamment dans le tissu adipeux. Néanmoins, les études démontrant l’effet des régimes végétariens/végétaliens sur la prévention des maladies non transmissibles sont fortement biaisées. En effet, l’évaluation globale de ces résultats doit tenir compte du mode de vie généralement plus sain des végétariens/végétaliens, présentant notamment moins de facteurs de risque – pas de consommation d’alcool ni de tabac, moins de sédentarité.

De plus, ces études sont majoritairement menées auprès d’adultes et ne permettent donc de transposer ces résultats sur une population pédiatrique (SIPPS, 2017). Les auteurs indiquent, ainsi, qu’à ce jour, il n’existe pas d’étude spécifique abordant l’influence d’un régime végétarien/végétaliens au cours de la diversification alimentaire sur l’apparition de maladies non-transmissibles :

  • Aucune étude traitant de l’impact d’un régime végétarien/végétaliens au cours de la diversification alimentaire sur l’apparition de diabète de type 2 et d’hypertension n’a été identifiée.
  • Une méta-analyse récente n’a trouvé aucun effet protecteur des régimes végétariens/végétaliens sur les maladies chroniques dans les premières années de la vie – bien qu’ils soient souvent recommandés pour prévenir le surpoids et l’obésité (Weder, 2019).

Les régimes végétariens ou végétaliens ne peuvent être recommandés lors de la diversification alimentaire

En conclusion de ce travail, les auteurs indiquent qu’en raison des effets secondaires potentiellement graves liés aux carences auxquels ils peuvent exposer, les régimes végétariens et végétaliens sont inadaptés au bon développement neuro-psycho-moteur des enfants. De nombreux cas cliniques ont notamment démontré les dommages – parfois irréversibles – que peuvent causer des carences en vitamine B12, en acide docosahexaénoïque et en fer sur le système nerveux. Ces régimes ne peuvent donc pas être recommandés au cours de la diversification alimentaire.

Par ailleurs, les données actuellement disponibles ne permettent pas d’attribuer d’effet protecteur des régimes végétariens/végétaliens sur la prévention des maladies non-transmissibles, en particulier lorsqu’ils sont adoptés au cours des premières années de la vie.

Basé sur : Simeone G, et al. Do Vegetarian Diets Provide Adequate Nutrient Intake during Complementary Feeding? A Systematic Review. Nutrients. 2022 Aug 31;14(17):3591.

Régimes végétariens : définitions et classifications

Le principe du régime végétarien repose sur l’exclusion de la consommation de chair animale et la consommation importante de végétaux. L’alimentation végétarienne écarte donc la viande, le poisson, ainsi que les fruits de mer, mais autorise la consommation d’œufs et de produits laitiers.

Les régimes végétariens peuvent être classés de la façon suivante :

  • Pescétarien : sans viande
  • Lacto-ovo-végétarien : sans viande, poisson, ni mollusques
  • Lacto-végétarien : exclusion de la viande, du poisson, des mollusques, des crustacés et des œufs
  • Ovo-végétarien : exclusion de la viande, du poisson, des mollusques, des crustacés, du lait et des produits laitiers)
  • Végétalien : exclusion de tout aliment d’origine animale, notamment les œufs, le lait et les produits laitiers, le miel, la propolis, la gelée royale).
    Ces régimes peuvent avoir des sous-types spécifiques, tels que : régime crudivore, régime fruitier, régime macrobiotique.

Méthodologie
Messages clés
  • D’après les données actuelles, les régimes végétariens et végétaliens ne sont pas sans danger s’ils sont adoptés au cours de la diversification alimentaire.
  • Le risque de carences ou de déficiences importantes en micronutriments et de retard de croissance est élevé : ils peuvent entraîner des résultats sensiblement différents en matière de développement neuropsychologique et de croissance par rapport à un régime omnivore sain tel que le régime méditerranéen.
  • Considérant les données actuelles, les régimes végétariens et végétaliens suivi lors de la diversification alimentaire ne présentent aucun effet préventif sur les maladies non transmissibles et cardiovasculaires.
Références
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