Végétal, forcément synonyme de sain et durable ?

Substituts végétaux à la viande : une part notable d’aliments ultra-transformés dans l’offre

Ainsi que le recommandent la FAO et l’OMS, un régime végétal incluant en petites quantités des produits d’origine animale est la base d’une alimentation saine et durable. L’adoption d’un tel régime constitue un réel défi pour de nombreux consommateurs, notamment occidentaux. Pour y pallier, une offre végétale « moderne » émerge avec une grande variété d’aliments rapides, pratiques à consommer et pour une part notable ultra-transformés. Lors de la conférence d’été de la Nutrition Society 2021, le Pr. Jennie Macdiarmid a dressé un état des lieux de cette tendance et souligne les risques associés tant en termes de santé publique que d’environnement.

Atteindre les Objectifs du Développement Durable – notamment la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la limitation du réchauffement climatique – nécessite la mise en place d’actions significatives dans tous les secteurs, y compris alimentaire, avec des mesures pour l’agriculture, la chaîne alimentaire, mais également le consommateur. Dans les pays développés, les lignes directrices ciblant le consommateur recommandent principalement de modifier les habitudes alimentaires en réduisant notamment la consommation de viande et de produits laitiers.

Lors de la conférence plénière « Nutrition in a changing world » organisé par la Nutrition Society en 2021, le Pr. Jennie Macdiarmid a illustré les défis et opportunités de la transition vers un régime alimentaire plus végétal, en dressant le panorama des connaissances actuelles en termes de santé humaine et de durabilité (Macdiarmid, 2021).

Réduire les consommations de produits animaux, pour la santé et la planète

Comme démontré dans de nombreux travaux, la transition vers des régimes alimentaires largement végétaux présente des bénéfices à la fois sur la santé, le climat et l’environnement (FAO-OMS, 2019).

Ainsi que l’a rappelé le Pr. Macdiarmid, les produits alimentaires issus des animaux, en particulier des ruminants, sont responsables d’émissions de gaz à effet de serres plus importantes que les produits d’origine végétale (Poore J, 2018). Mais, au-delà des bénéfices pour l’environnement, la réduction de la consommation de viande, en particulier rouge, pourrait également avoir des bienfaits sur la santé humaine en diminuant, d’une part, le risque de certains cancers, comme le cancer colorectal (World Cancer Research Fund, 2018).

D’autre part, réduire la consommation d’aliments d’origine animale pourrait permettre de faire augmenter les consommations de produits végétaux bénéfiques pour la santé tels que les fruits, les légumes, les légumineuses ou encore les noix. Autant d’aliments qui fournissent des quantités intéressantes de fibres et micronutriments essentiels à la santé.

De plus en plus de consommateurs se tournent vers des alternatives végétales à la viande

Face au consensus vis-à-vis des bénéfices d’un régime largement végétal, de plus en plus de consommateurs se tournent vers des alternatives à la viande pour des raisons environnementales et/ou de santé. Néanmoins, de nombreuses personnes estiment que de telles alternatives restent onéreuses et peu pratiques à cuisiner (Schösler H, 2012). De plus, la substitution de la viande par des légumineuses – légumes secs ou lentilles – est susceptible de modifier les repas traditionnels et peut constituer un réel défi aux yeux des consommateurs pour qui la viande est au cœur de l’assiette.

Au cours des dernières années, l’environnement alimentaire a, ainsi, considérablement évolué. Comme l’a souligné le Pr. Macdiarmid, une large offre des préparations végétales prête à l’emploi s’est notamment développée pour pallier les difficultés rencontrées par les consommateurs.

Les préparations végétales imitant les produits carnés parmi les produits les plus populaires

Parmi les produits les plus populaires, figurent les préparations végétales imitant les produits carnés – comme les hamburgers, les saucisses – ou le fromage. Autant d’aliments qui ne nécessitent pas de compétences culinaires particulières.

L’attrait pour ces aliments végétaux ultra-transformés réside non seulement dans leur commodité, mais également dans leur attractivité, leur grande palatabilité et leur faible coût. Enfin, ces substituts végétaux à la viande permettent le partage d’un même repas entre personnes consommant ou non de la viande et limitent ainsi le sentiment d’exclusion sociale.

Cependant, la majorité de ces produits est classée comme ultra-transformée selon le score NOVA (Monteiro, 2019a). Ils sont en effet généralement denses en énergie et riches en graisses, en sucre ajouté ou en sel (Monteiro, 2019b).

Une part importante de l’apport énergétique des néo-végétariens provient d’aliments ultra-transformés

Comme l’a indiqué le Pr. Macdiarmid, de nombreuses études ont été réalisées ces dernières années sur l’association entre la consommation d’aliments ultra-transformés et l’apparition de maladies chroniques. Récemment, une revue systématique incluant 43 études a rapporté que la majorité des travaux ont trouvé une association négative avec au moins un résultat néfaste à la santé : surpoids, obésité, maladies cardiovasculaires, cancers ou diabète de type 2 (Elizabeth, 2020).

Ces études ne sont pas spécifiques aux aliments d’origine végétale, mais il est très probable que ces produits denses en énergie, riches en sucre, en graisses et en sel présentent les mêmes effets négatifs. En France, une étude transversale menée sur une cohorte de 21 212 adultes a notamment révélé que plus du tiers de l’apport énergétique provenait d’aliments ultra-transformés. Et cette part est croissante selon le degré d’exclusion des aliments d’origine animale : respectivement 33% chez les consommateurs de viande, 32,5% chez les pesco-végétariens, 37% chez les végétariens et 39,5% chez les participants végétaliens (Gehring, 2021).

La notion de régime végétal reste incomprise par de nombreux consommateurs

Traditionnellement, les régimes végétariens comprennent des aliments peu transformés tels que les fruits, les légumes, les légumineuses, les noix et les céréales complètes. Du fait de la disponibilité croissante de préparations végétales ultra-transformées, la composition des régimes végétariens tend à changer. Comme indiqué par le Pr. Macdiarmid, des études ont notamment montré que les personnes ayant récemment adopté un régime végétarien étaient plus susceptibles de consommer des aliments ultra-transformés d’origine végétale. Ces observations sont d’autant plus marquées chez les jeunes âgés de 18 à 24 ans avec une consommation importante de substituts de viande et de produits laitiers (British Nutrition Foundation, 2020 ; Gehring, 2020).

La popularité croissante des préparations végétales peut s’expliquer par le fait que les consommateurs ont tendance à percevoir les aliments d’origine végétale comme « sains », indépendamment de leur profil nutritionnel. De plus, un grand nombre de consommateurs rencontrent des difficultés à définir ce que sont les régimes largement végétaux. Une enquête récente a notamment révélé que 41% des adultes au Royaume-Uni supposaient qu’un régime à base de végétaux était un régime végétalien, 20% un régime végétarien et 8% ne savaient pas ce que cela signifiait (British Nutrition Foundation, 2020).

En conclusion de sa conférence, le Pr. Macdiarmid a ainsi souligné que le régime végétal « moderne » émergent se distingue très nettement des régimes végétariens traditionnel. Pointant l’intérêt d’aliments végétaux pratiques, abordables et désirables pour encourager la transition vers une alimentation plus durable, elle appelle à veiller à ce qu’ils ne conduisent pas inconsciemment à un changement qui n’est finalement ni sain ni durable.

Basé sur : Macdiarmid JI. The food system and climate change: are plant-based diets becoming unhealthy and less environmentally sustainable? Proc Nutr Soc. 2022 May;81(2):162-167.

Messages clés
  • Les aliments d’origine végétale jouissent d’un effet de halo sur la santé humaine et planétaire, mais beaucoup d’entre eux sont ultra-transformés, riches en énergie, en graisses, en sucre et en sel, et présentent un impact environnemental plus important que les aliments d’origine végétale peu transformés.
  • Le régime végétal « moderne » émergent diffère nettement du régime plus traditionnel composé de légumineuses, de légumes et de céréales complètes.
  • Si les aliments d’origine végétale ont leur place pour encourager la transition vers une alimentation plus durable, il faut veiller à ce qu’ils ne conduisent pas inconsciemment à un changement qui n’est finalement ni sain ni durable.
Références
Retour Voir l'article suivant