Végétal, forcément synonyme de sain et durable ?

La qualité des régimes à base de végétaux influence le risque de fragilité chez les personnes âgées

La popularité croissante des régimes majoritairement végétaux suscite l’inquiétude du monde médical en raison des potentielles carences qu’ils peuvent engendrer. Cette préoccupation est particulièrement importante pour les populations vulnérables comme les personnes âgées. Cependant, les connaissances sur l’influence de ce type de régime sur la fragilité restent parcellaires. Une étude récente a ainsi évalué l’association entre la qualité de l’alimentation végétale et le risque de fragilité chez des femmes de plus de 60 ans. Ce travail montre qu’un régime sain à base de végétaux – riche en fruits, légumes, céréales complètes, noix et légumineuses – est associé à un risque plus faible de fragilité. A l’inverse, un régime végétal de moins bonne qualité est associé à un risque plus élevé de fragilité.

Les régimes à base de plantes suscitent depuis peu l’intérêt en raison de leurs bienfaits pour la santé, notamment pour la prévention des maladies non transmissibles comme les maladies cardiovasculaires (Satija, 2015). Cependant, tous les régimes à base de plantes ne sont pas nécessairement sains, car ils peuvent être constitués d’aliments de faible qualité nutritionnelle et/ou négativement associés aux maladies chroniques (Dehghan, 2017). En outre, de nombreux travaux alertent sur les potentielles carences en nutriments que pourrait entraîner l’adoption d’une alimentation exclusivement végétale, en particulier chez les personnes âgées. Les études de Cruz-Jentoft AJ, 2020 et Rodríguez-Mañas, 2021 ont notamment démontré une association bidirectionnelle entre les carences nutritionnelles et le risque accru de fragilité (voir encadré). Cette constatation a également été confirmée par la cohorte EPIC-Oxford, où végétaliens et végétariens présentaient un risque plus élevé de fractures que les consommateurs de viande (Tong, 2020).

Dans ce contexte, une étude récente (Sotos-Prieto et al, 2022) a évalué l’association entre la qualité du régime à base de plantes et le risque de fragilité chez des femmes de plus de 60 ans.

Une alimentation végétale de bonne qualité est associée à un mode de vie plus sain

Afin de caractériser la qualité du régime à base de plantes, deux indices distincts ont été élaborés (voir tableau 1) :

  • Un indice d’alimentation végétale saine dans lequel les aliments sains d’origine végétale sont notés positivement et les aliments malsains d’origine végétale ainsi que les produits d’origine animale sont notés négativement ;
  • Un indice d’alimentation végétale de moins bonne qualité dans lequel les aliments sains d’origine végétale sont notés négativement et aliments malsains d’origine végétale ainsi que les produits d’origine anime sont notés positivement.
Indice d’alimentation végétale saine Indice d’alimentation végétale de moins bonne qualité
Score positif Score négatif Score positif Score négatif
Céréales complètes, fruits et légumes, noix, légumineuses, huiles végétales, thé/café Jus de fruits, céréales raffinées, produits et boissons sucrés, pommes de terre, produits d’origine animale Jus de fruits, céréales raffinées, produits et boissons sucrés, pommes de terre, produits d’origine animale Céréales complètes, fruits et légumes, noix, légumineuses, huiles végétales, thé/café

Tableau 1 : Caractéristiques des indices d’alimentation végétale saine et de moins bonne qualité 

Les participants ayant obtenu le score le plus élevé pour l’indice d’alimentation végétale saine étaient plus minces, davantage actifs, moins susceptibles de fumer et présentaient moins de fragilité au début de l’étude par rapport aux autres participants.

À l’inverse, les individus avec le score le plus élevé pour l’indice d’alimentation végétale de moins bonne qualité étaient également plus minces mais moins actifs, plus susceptibles de fumer et présentaient un plus grand nombre de critères de fragilité au début de l’étude.

Une meilleure adhésion à une alimentation végétale saine est associée à un risque plus faible de fragilité

Le suivi d’un régime sain à base de végétaux était inversement associé au risque de fragilité. Une augmentation de 10 unités pour le score d’indice d’alimentation végétale saine est notamment associée à une réduction relative de 19% du risque de fragilité. Inversement, une association positive a été démontrée entre l’adoption d’un régime de moins bonne qualité et le risque de fragilité. L’association est atténuée après ajustement pour l’activité physique mais reste cependant significative.

Ces observations restent similaires dans les analyses de sensibilité chez les femmes qui ne présentaient pas de critères de fragilité au départ, ainsi qu’après exclusion de celles atteintes d’un cancer, d’une maladie cardiovasculaire ou d’un diabète au début de l’étude. De même, la modification du régime et de la notation de certains produits alimentaires n’a entraîné aucun changement dans les résultats.

Les preuves fournies par ce travail concordent avec la littérature existante montrant que l’adhésion à un régime méditerranéen, à un régime DASH ainsi qu’à l’indice alternatif d’alimentation saine 2010 était associée à un risque de fragilité inférieur de 13%, 7% et 10%, respectivement (Leon-Munoz, 2015 ; Struijk, 2020). A l’inverse, une consommation importante de boissons sucrées était associée à un risque de fragilité plus élevé (Struijk, 2020).

Tous les régimes végétaux ne sont pas nécessairement sains

Cette étude rappelle ainsi que tous les régimes à base de végétaux ne sont pas sains, tout dépend de leur composition. Une alimentation à dominante végétale caractérisée par la consommation importante de jus et de boissons sucrées, de sucreries, de céréales raffinées et de viande transformée présente notamment des effets pro-inflammatoires (Struijk, 2020). A l’inverse, la présence de micronutriments spécifiques tels que les antioxydants, les acides gras insaturés, les fibres ainsi que les vitamines et minéraux dans le régime sain à base de végétaux a été associée à de nombreux bienfaits sur la santé (Hemler, 2019 ; Dehghan, 2017).

Ainsi que les auteurs le soulignent, la transition vers une alimentation saine et végétale pourrait être bénéfique pour prévenir la fragilité des personnes âgées.

Basé sur : Sotos-Prieto M, et al. Association between the quality of plant-based diets and risk of frailty. J Cachexia Sarcopenia Muscle. 2022;13(6):2854-2862.

Vieillissement et fragilité 

L’OMS définit le vieillissement comme le produit de l’accumulation d’un vaste éventail de dommages moléculaires et cellulaires au fil du temps. Celle-ci entraîne une dégradation progressive des capacités physiques et mentales, une majoration du risque de maladie et, enfin, le décès (OMS, 2022). Au-delà des changements biologiques, le vieillissement se caractérise également par la survenue de problèmes de santé complexes communément appelés syndromes gériatriques parmi lesquels figure la fragilité.

La fragilité correspond à la diminution des capacités physiologiques de réserve qui altère les mécanismes d’adaptation au stress. Le syndrome de fragilité est un marqueur de risque de mortalité et d’événements péjoratifs, notamment d’incapacités, de chutes, d’hospitalisation et d’entrée en institution (Fried LP, 2001).

Méthodologie
Messages clés
  • Un régime sain à base de végétaux – riche en fruits, légumes, céréales complètes, noix et légumineuses – est associé à un risque plus faible de fragilité. A l’inverse, un régime végétal de moins bonne qualité, caractérisé une consommation importante de jus de fruits, de céréales raffinées ou de boissons sucrées, est associé à un risque plus élevé de fragilité.
  • Tous les régimes à base de plantes ne sont pas nécessairement bons pour la santé.
Références
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