Alimentation et impact environnemental

Empreintes carbone des recommandations nutritionnelles de sept pays

Equation nutrition - novembre 2021 - empreintes carbones et recommandations nutritionnelles

| Lindsey Miller et Donald Rose

École de santé publique et de médecine tropicale, Université de Tulane, États-Unis

Plus de 90 pays dans le monde ont élaboré des recommandations alimentaires au niveau national. Elles fournissent des messages fondés sur des données scientifiques visant à promouvoir un régime alimentaire apportant les nutriments nécessaires pour favoriser la santé et prévenir les maladies chroniques (FAO, 2018). Des changements nutritionnels ont été observés récemment à l’échelle mondiale, les populations en voie d’urbanisation  adoptant  des régimes alimentaires plus riches en produits d’origine animale et plus pauvres en légumineuses, céréales et légumes. Cette évolution représente une double menace à la fois pour la santé et pour l’environnement (Tilman, 2014 ; Swinburn, 2019) d’où la nécessité d’une évolution vers des régimes alimentaires sains et durables. Bien que de nombreux pays aient déjà élaboré des recommandations alimentaires pour promouvoir un régime culturellement pertinent et nutritif  des travaux supplémentaires sont nécessaires pour intégrer la durabilité environnementale comme les impacts alimentaires sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) (Rose, 2019). Des études suggèrent que l’empreinte carbone liée aux recommandations nutritionnelles varie selon les pays, celle des recommandations américaines étant plus élevée que celle des autres pays (Springmann, 2020). Malheureusement, ces études ne permettent pas de savoir si  cette différence d’empreinte est due  aux recommandations elles-mêmes ou aux habitudes alimentaires des pays. 

Cette étude vise donc à  combler cette lacune en modélisant l’empreinte carbone des recommandations alimentaires de sept pays (voir ci-dessous l’encadré « Méthodologie »).

Les apports quotidiens recommandés pour les groupes d’aliments varient considérablement

Les recommandations ont été classées en six grands groupes d’aliments : aliments riches en protéines, produits laitiers, céréales, fruits, légumes et huiles/matière grasse. La quantité quotidienne recommandée et la composition de chaque groupe varient considérablement d’un pays à l’autre (tableau 1). Par exemple, la quantité recommandée pour les produits laitiers est la plus élevée aux États-Unis : plus de trois fois celle du régime de référence EAT-Lancet, recommandation internationale qui intègre des objectifs nutritionnels, de santé et de durabilité environnementale (Willett, 2019).

Tableau 1 : Quantités quotidiennes recommandées pour chaque groupe d’aliments par pays (pour un régime de 2000 kcal).

Émissions de gaz à effet de serre associées aux recommandations

Les quantités quotidiennes recommandées pour chaque groupe  influencent les émissions de GES du régime alimentaire conseillé dans un pays. Cela concerne particulièrement les aliments riches en protéines et les produits laitiers, les produits d’origine animale ayant une empreinte carbone plus importante que ceux d’origine végétale.

Dans l’ensemble, les recommandations indiennes présentent les émissions de GES les plus faibles (0,74 kg éq. CO2/jour), principalement parce que leurs préconisations en matière de protéines ne comprennent que des protéines végétales, alors que les autres pays incluent un mélange de protéines animales et végétales. Les États-Unis sont le pays dont les émissions totales de GES attribuées au régime alimentaire recommandé au niveau national sont les plus élevées (3,83 kg éq. CO2/jour), soit 4,5 fois plus que celles du régime indien. Par ailleurs, le régime EAT-Lancet recommande une plus grande quantité d’aliments riches en protéines que celui des États-Unis avec plus de la moitié d’origine végétale, d’où le plus faible taux de GES  de ces aliments par rapport aux États-Unis (environ moitié moins) (figure 1).

Figure 1: Émissions de GES (kg éq. CO2) des recommandations quotidiennes relatives aux groupes d’aliments pour un régime à 2000 kcal, par pays.  (*Les fruits et légumes forment un seul groupe en Uruguay, les GES des fruits correspondent donc aux émissions combinées du groupe).

Après avoir contrôlé les modèles de consommation au niveau national en appliquant le modèle de consommation américain à tous les pays, les empreintes carbone des recommandations américaines restent toujours les plus élevées : soit 19% et 47% de plus respectivement par rapport à celle des Pays-Bas et de l’Allemagne.

Messages clés :

  • Les recommandations nutritionnelles et leurs empreintes carbone associées varient selon les pays.
  • Les recommandations de l’Inde et des États-Unis sont respectivement associées aux émissions de GES les plus faibles et les plus élevées de l’étude.
  • Les niveaux des émissions de GES sont principalement liés aux quantités recommandées de produits laitiers et d’aliments riches en protéines.
  • Les émissions de GES attribuées aux recommandations d’aliments riches en protéines varient de 0,03 kg éq. CO2/j en Inde à 1,84 kg éq. CO2/j aux États-Unis, pour des quantités recommandées de 75 g/j et 156 g/j, respectivement.
  • Après avoir recalculé l’empreinte carbone en appliquant le modèle de consommation américain à tous les pays, il apparait que les recommandations américaines affichent toujours le taux le plus élevé.

Méthodologie :

  • Un échantillonnage a été utilisé pour inclure les recommandations nutritionnelles provenant de sources nationales :
    • les États-Unis ;
    • deux pays européens (Allemagne et Pays-Bas) où des études antérieures ont montré qu’une modification du régime alimentaire en vue de tenir compte de leurs recommandations permettrait de réduire les émissions de GES ;
    • l’Inde, pour obtenir un écart maximal en termes d’émissions de GES ;
    • Oman, la Thaïlande et l’Uruguay pour une représentation géographique diversifiée.
  • Les recommandations ont été classées en six grands groupes d’aliments : aliments riches en protéines, produits laitiers, céréales, fruits, légumes et huiles/matière grasse, l’échelle de référence étant un régime de 2 000 kcal.
  • Des données sur l’approvisionnement alimentaire de chaque pays (bilans des disponibilités alimentaires – FAO) ont été utilisés pour déterminer les quantités spécifiques d’aliments individuels au sein de ces groupes.
  • Les données relatives aux émissions de GES pour la production de différents aliments proviennent de la base de données dataFIELD (database of Food Impacts on the Environment for Linking to Diets), qui repose sur un examen exhaustif de la littérature sur l’analyse du cycle de vie (Heller, 2018 ; Rose, 2019b).

 

Lindsey Miller
École de santé publique et de médecine tropicale, Université de Tulane, États-Unis
Donald Rose
Département des Sciences de Santé Communautaire, Ecole de Santé Publique et Médecine Tropicale, Université Tulane, USA
Basé sur : Kovacs B, et al. The carbon footprint of dietary guidelines around the world: a seven country modeling study. Nutr J. 2021;20(1):15.
  • Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (2018) Recommandation alimentaires. http://www.fao.org/nutrition/education/food-dietary-guidelines/home/fr/.
  • Tilman D, Clark M. Global diets link environmental sustainability and human health. 2014;515(7528):518– 22.
  • Swinburn BA, et al. The global Syndemic of obesity, Undernutrition, and climate change: the lancet commission report. 2019;393(10173):791– 846.
  • Springmann M, et al. The healthiness and sustainability of national and global food based dietary guidelines: modelling study. 2020;370:m2322.
  • Rose D, et al. Position of the Society for Nutrition Education and Behavior: The importance of including environmental sustainability in dietary guidance, » Journal of Nutrition Education and Behavior. 2019;51(1):3-16.
  • Willett W., et al. Food in the Anthropocene: the EAT-lancet commission on healthy diets from sustainable food systems. Lancet. 2019;393(10170):447– 92.
  • Heller MC, et al.  Greenhouse gas emissions and energy use associated with production of US self-selected diets. Environmental Research Letters. 2018;13 044004.
  • Rose D, et al. Carbon footprint of self-selected US diets: nutritional, demographic, and behavioral correlates. American Journal of Clinical Nutrition. 2019;109:526-534.
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