Professionnels de santé, acteurs essentiels de la prévention nutritionnelle

L’accompagnement nutritionnel, élément clé de la prévention primaire et secondaire

En tant que source privilégiée d’information pour les patients, les professionnels de santé ont un rôle clé à jouer pour l’accompagnement de la population vers des habitudes alimentaires saines. S’ils reconnaissent l’importance de leur influence sur le comportement des patients, les praticiens expriment des difficultés à s’emparer pleinement de ce sujet. Un document de consensus récent replace le rôle des professionnels de santé en matière de conseil nutritionnel. Il souligne le rôle majeur de l’accompagnement nutritionnel en termes de prévention et la nécessité de l’inclure à toutes étapes de la vie.

En 2019, les maladies non transmissibles – maladies cardiovasculaires, accidents vasculaires cérébraux, diabète, cancers … – ont causé 74 % des décès dans le monde. Parmi les principaux facteurs de risques de maladies non transmissibles, une alimentation de mauvaise qualité nutritionnelle figure aux côtés de la consommation de tabac, d’alcool et du manque d’activité physique (OMS, 2023). Ainsi, une large part des maladies non transmissibles – pourrait être évitée grâce à l’adoption d’habitudes alimentaires saines (OMS, 2022). De ce fait, les recommandations alimentaires – telles que celles du PNNS en France – sont essentielles dans une optique de santé publique et doivent être soutenues par les systèmes de santé et leurs acteurs (Marques-Vidal et al., 2020, OMS, 2023)

Sur ces questions, les professionnels de santé constituent une source privilégiée d’information des patients et bénéficient généralement d’une grande confiance de la part de la population. S’ils reconnaissent l’importance de la nutrition pour la santé, de nombreux professionnels de santé indiquent avoir du mal à apporter des conseils nutritionnels à leurs patients et pointent plusieurs obstacles, notamment le manque de connaissances, de formation et de temps lors des consultations (Carter et al., 2022 ; de Mestral et al., 2020). Récemment, un document de consensus de l’Association européenne de cardiologie préventive (Vassiliou et al., 2023) a cherché à replacer le rôle du clinicien dans la prévention nutritionnelle à travers des exemples pratiques en soins primaires et secondaires.

Prévention primaire : un besoin de formation pour amplifier l’accompagnement nutritionnel de la population

Alors que la mauvaise qualité nutritionnelle de notre alimentation est la 1ère cause de décès au monde (Global Burden of Diseases, 20 19), un accompagnement nutritionnel adéquat et des approches basées sur le mode de vie constituent des élément clés de la prise charge primaire. Et les bénéfices concernent tant les patients que le système de santé au sens large. Ainsi que le rappelle ce document de consensus, un investissement approprié dans le domaine de la nutrition permettrait de sauver 3,7 millions de vies dans le monde d’ici 2025 (OMS, 2019).

Malgré cet enjeu, la volonté et la capacité des professionnels de santé primaire à fournir des conseils nutritionnels varient actuellement selon leur pratique et leur expérience. La majorité d’entre eux déclarent, en outre, être insuffisamment formés sur le sujet (Smith et al., 2015). Ainsi que le souligne ce document de consensus, cette situation est d’autant plus dommage que la littérature montre que les formations et les actions pédagogiques élaborées par les professionnels de santé peuvent contribuer à renforcer leur confiance et leurs compétences en matière de conseils nutritionnels (Crowley et al., 2020)

Ce document de consensus souligne également la nécessité d’intégrer le dépistage et le conseil nutritionnel pour tous les individus et de placer la prévention primaire au cœur des soins. Il insiste également sur l’intérêt d’accorder une place importante à la nutrition dans la formation médicale afin d’encourager la population à adopter des habitudes alimentaires saines, essentielles à la santé (Downer et al., 2020).

Prévention secondaire : le conseil nutritionnel personnalisé partie intégrante de la prise en charge

A travers l’exemple des programmes de réadaptation cardiaque et de la prise en charge d’enfants atteints de maladies cardiovasculaires, ce document de consensus démontre également l’utilité des conseils nutritionnels dans le cadre des soins secondaires (Ambrosetti et al., 2021). Dans ce contexte, la nutrition permettrait notamment :

  • d’améliorer la qualité de vie,
  • de mieux gérer le risque cardiovasculaire,
  • d’augmenter les chances de survie.

Bien que l‘effet cardioprotecteur d’accompagnements nutritionnels personnalisés ne soit plus à démontrer, l’adhésion et le respect des recommandations restent toutefois difficiles pendant la réadaptation cardiaque (Ma et al., 2010). Selon l’Association européenne de cardiologie préventive, la prise en charge nutritionnelle comporte 5 dimensions : le patient, la maladie, le professionnel de santé, la thérapie et le système de soins. Afin de pleinement profiter des bénéfices de l’accompagnement nutritionnel, toutes les dimensions doivent être abordées simultanément. Une approche multidisciplinaire est ainsi nécessaire afin de garantir les meilleurs résultats à long terme pour les patients.

Si les recommandations alimentaires pour les enfants se concentrent principalement sur la prévention de l’obésité, l’adoption d’habitudes alimentaires saines est également essentiel pour la prévention des maladies cardiovasculaires et la réduction de facteurs de risque associés (Funtikova et al., 2015). Il est ainsi indispensable d’identifier les enfants à risque ou atteints de maladies cardiovasculaires afin de les orienter rapidement vers un établissement spécialisé qui leur offrira un accompagnement nutritionnel adapté.

Santé publique : la nécessité de combiner les stratégies pour améliorer les comportements de la population

Dans le cadre de leur politique nutritionnelle, la majorité des pays européens ont recours à l’information et à l’éducation des populations, au travers notamment de recommandations alimentaires visant à améliorer les comportements de la population. Ainsi que le souligne ce document de consensus, ces lignes directrices s’appliquent difficilement aux populations défavorisées, ce qui creuse davantage les inégalités sociales en matière d’alimentation.

Malgré cela, des politiques démographiques à faible niveau d’ engagement agissant sur l’environnement alimentaire permettent de toucher de manière indifférenciée la population. Il s’agit par exemple de :  

  • L’élaboration de listes de nutriments obligatoires sur les emballages,
  • L’instauration de taxes sur certains aliments,
  • La mise en place d’un étiquetage simple à comprendre,

Selon les auteurs, la combinaison de ces stratégies permettrait d’améliorer les régimes alimentaires et de réduire les inégalités de santé comme recommandé par le plan d’action européen pour l’alimentation et la nutrition 2015-2020 (Adams et al., 2016).

Dans la même optique, ce travail insiste également sur les bénéfices d’interventions nutritionnelles sur le lieu de travail (Glympi et al., 2020) ainsi que sur l’importance de l’éducation nutritionnelle dans les écoles. En effet, l’adoption précoce d’habitudes alimentaires saines permet de réduire le risque de maladies et de contribuer au bien-être émotionnel, au niveau d’attention et capacités d’apprentissage des enfants (Baltag et al., 2022).

En conclusion de ce travail, les auteurs soulignent la nécessité de sensibiliser à la fois la population et les professionnels de santé à la nutrition afin d’améliorer les habitudes alimentaires et la santé (Aspry et al., 2018). Afin d’élaborer de futures lignes directrices concernant l’accompagnement nutritionnel, les auteurs pointent, enfin, l’importance de tenir compte des nouvelles avancées dans le domaine de la nutrition afin de garantir des supports adaptés aux professionnels de santé.

Basé sur : Vassiliou et al. Promotion of healthy nutrition in primary and secondary cardiovascular disease prevention: a clinical consensus statement from the European Association of Preventive Cardiology, European Journal of Preventive Cardiology, 30, 696-706, 2023.

Méthodologie
Messages clés
  • Les médecins sont des acteurs de confiance lorsqu’il s’agit de répondre aux questions des patients sur la nutrition et de les encourager à adopter des habitudes alimentaires plus saines.
  • Les interventions en matière d’éducation nutritionnelle auprès des étudiants en médecine sont efficaces car elles améliorent leurs habitudes de vie (activité physique et comportements alimentaires), leurs compétences et leur auto-efficacité à fournir des conseils nutritionnels.
  • L’intégration de modules d’éducation nutritionnelle dans le cursus universitaire des étudiants en médecine est essentielle pour améliorer les compétences en prévention nutritionnelle.
Références
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