Professionnels de santé, acteurs essentiels de la prévention nutritionnelle

Obésité et accompagnement nutritionnel : l’importance de savoir aborder le sujet et d’adopter une approche basée sur le patient

Face à l’augmentation de la prévalence de l’obésité dans le monde, améliorer la prise en charge des patients est une priorité. Il s’agit à la fois de réduire les comorbidités associées à la maladie et d’améliorer la qualité de vie des malades. Compte tenu de la complexité de la maladie, de nombreux travaux insistent sur l’importance de la communication lors des consultations afin d’établir de bonnes relations avec le patient. Récemment, une étude a montré que la qualité des interactions patient-médecin variait en fonction de l’IMC des malades, notamment en raison de représentions différentes de l’obésité et de ses conséquences sur la santé. Les conclusions de ce travail soulignent que l’origine multifactorielle de l’obésité doit encourager une prise en charge multidisciplinaire et basée sur le patient.

Le rôle essentiel de la nutrition pour la santé et la prévention de nombreuses maladies non-transmissibles comme l’obésité est aujourd’hui bien établi (OMS, 2021). Si les professionnels de santé sont convaincus de l’importance du sujet et du rôle qu’ils ont à jouer, ils pointent néanmoins un manque de formation et de compétences en la matière.

Afin d’aider les patients en surpoids ou obèses, des travaux antérieurs ont ainsi montré que les praticiens ont besoin de compétences dans plusieurs domaines, tels que la prévention, l’éducation, le conseil ou l’aide au parcours de soins (Durrer D. et al, 2019). Ces travaux pointent également la nécessité de mieux former les praticiens à la communication, à l’entretien motivationnel ainsi qu’à l’éducation thérapeutique du patient (Durrer D. et al, 2019). Par ailleurs, de nouvelles lignes directrices pour la prise en charge du surpoids et l’obésité mentionnent l’importance du ton adopté lors des consultations afin d’éviter la stigmatisation du patient et recommandent d’aborder les aspects psychologiques de l’obésité (amélioration de l’estime de soi, de l’image corporelle et de la qualité de vie) (Forgione N. et al, 2018).

Dans ce contexte, une étude récente (Gimenez L. et al, 2023) a cherché à identifier les facteurs de divergence sur les questions liées au poids entre les patients et leur médecin généraliste.

Un désaccord plus important entre les médecins et les patients en surpoids ou obèses

Les médecins généralistes informent leurs patients et sont amenés à aborder différents sujets relatifs à la santé lors des consultations médicales. Diverses études démontrent que l’entente entre le patient et le praticien – en particulier sur les problèmes de santé – est positivement associé à la santé et à l’observance des traitements. Il s’agit d’un indicateur pertinent de l’adéquation et de l‘efficacité du partage d’informations entre les patients et les médecins (Liaw S. et al., 1996 ; Coran J. et al., 2013).

Les résultats de ce travail révèlent que la part de patients en surpoids et obèses en désaccord avec leur médecin généraliste sur les informations relatives au poids est 10 fois plus importante que celle des patients avec un IMC inférieur à 25. De même, pour les questions liées à la perte de poids, la part de patients en surpoids et obèses en désaccord avec leur médecin généraliste est 9 fois plus importante que celle des patients avec un IMC inférieur à 25.

Ainsi, cette étude montre que plus l’excès de poids est important, plus le désaccord avec les informations et les conseils délivrés par le médecin sur le poids, l’activité physique et la nutrition est marqué.

Une perception différente des causes et des conséquences du surpoids et l’obésité

Le désaccord entre le patient et le praticien peut résulter de divergences dans la perception du surpoids, de l’obésité et de leurs conséquences. En effet, cette étude montre que parmi les 137 patients qui se considèrent en surpoids ou obèses  :

  • 37,3% estiment que l’excès de poids est d’origine biologique/génétique,
  • 29,9% l’attribuent à des facteurs sociaux,
  • 23,9% l’attribuent à des facteurs individuels et comportementaux.

Ainsi, malgré l’identification progressive de déterminants sociaux et comportementaux dans l’étiologie du surpoids (OMS, 2000 ; Basdevant, 2006), de nombreux patients attribuent encore l’excès de poids à des causes biologiques (Foster G. et al., 2003).

Enfin, 66,4% des patients interrogés déclarent que l’excès de poids n’entraîne aucune conséquence sur leur vie sociale, tout aspect confondu. Toutefois, 21,6% d’entre eux estiment que l’excès de poids affecte leur vie privée/familiale, 12,7% leur relations sociales et 4,5% leur vie professionnelle. Quant aux conséquences sur la santé, plus l’excès de poids est important, plus les patients considèrent qu’il affecte leur santé et représente un facteur de risque pour le futur.

Tenir compte des représentations du patient pour mieux l’accompagner  

Cette étude démontre l’importance du discours employé lors de la prise en charge nutritionnelle des patients, en particulier des personnes en surpoids et obèses. En effet, ces patients sont souvent victimes de discrimination et de stigmatisation, ce qui peut impacter leur santé et compliquer leur suivi médical (Kinzl JF et al, 2016 ; Tomiyama AJ. Et al, 2018).

Afin de favoriser un changement dans les habitudes de vie, les lignes directrices européennes sur la prise en charge de l’obésité préconisent une approche centrée sur le patient, incluant les dimensions psychologiques de l’obésité et la prévention de la reprise de poids. Ces directives soulignent notamment que l’origine multifactorielle de l’obésité doit encourager une prise en charge multidisciplinaire animée par les médecins généralistes (Durrer D. et al, 2019).

Par ailleurs, cette étude montre que les connaissances nutritionnelles pourraient ne pas être suffisantes lorsque les médecins sont confrontés à des patients en surpoids et obèses et qu’il peut être nécessaire de repenser leur communication, notamment sur les sujets relatifs au mode de vie et au poids. Une analyse des croyances et des difficultés du patient liées au poids permettrait d’établir un dialogue et de proposer un accompagnement adapté. Pour ce faire, les auteurs de ce travail encouragent les professionnels de santé à suivre des formations en communication, en pédagogie thérapeutique en entretien motivationnel.

Basé sur : Gimenez L. et al. Interaction between patient and general practitioner according to the patient body weight: a cross-sectional survey, Family Practice, 2023, 40, 218-225. 

Méthodologie
Messages clés
  • Les patients et les médecins généralistes sont parfois en désaccord lors d’une consultation, en particulier lorsqu’il s’agit du mode de vie et de la perte de poids. .
  • Les patients en surpoids sont plus susceptibles d’être en désaccord sur ces sujets.
  • Ces désaccords peuvent dégrader la relation patient-médecin et affecter l’efficacité de la prise en charge.
Références
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