Le plaisir, un levier pour encourager la consommation de fruits et légumes

Mobiliser la dimension sensorielle et le plaisir de manger permettrait de réguler la valeur énergétique des goûters des enfants

Ancré dans les habitudes alimentaires en France, le goûter constitue un moment intéressant pour diversifier l’alimentation des enfants. Pour autant, actuellement sa composition n’est pas en adéquation avec les recommandations nutritionnelles et ne permet notamment pas de varier les apports en fruits et en produits laitiers. Afin d’encourager les enfants à adopter des comportements alimentaires plus sains, différentes stratégies basées sur des approches ludiques, sensorielles et pratiques ont été déployées. Pour la première fois, une étude a évalué l’effet d’une intervention s’appuyant sur le plaisir alimentaire. D’après ce travail, associer des goûters sains à des activités mobilisant les aspects sensoriels et le plaisir de manger permettrait de diminuer l’apport énergétique des collations.

En France, l’alimentation des enfants est trop riche en graisses et en sucres, et 77% des 6 à 17 ans n’atteignent pas les recommandations des 5 portions de fruits par jour (Santé publique France, 2017). La consommation excessive d’aliments riches en graisses et en sucres concerne plus particulièrement les goûters et collations. L’enquête INCA3 révèle notamment que 17% des apports énergétiques totaux des enfants de moins de 10 ans proviennent des goûters et que les aliments les plus consommés sont les pâtisseries, les gâteaux et les biscuits (Anses, 2017).

17% des apports énergétiques totaux des enfants de moins de 10 ans proviennent des goûters.
Etude INCA 3, Anses, 2017

Dans ce contexte, plusieurs travaux cherchent à identifier les leviers permettant d’orienter les enfants vers des comportements plus favorables à leur santé. Face aux effets contrastés de l’information nutritionnelle sur les choix alimentaires, certains cherchent à savoir si le plaisir peut constituer un levier alternatif pour améliorer l’appétence des enfants pour des aliments plus sains. Récemment, une étude (Poquet et al., 2022) a évalué l’influence d’une intervention s’appuyant sur les différentes dimensions du plaisir alimentaire (voir ci-dessous) sur les apports énergétiques au goûter.

Une intervention à domicile ciblant les 3 dimensions du plaisir alimentaire

Réalisée à domicile, cette étude a impliqué au total, 187 binômes mère-enfant âgé de 7 à 11 ans. L’intervention consistait en un envoi à domicile de « boîtes thématiques ». Dans le groupe expérimental, les participants ont reçu 3 boîtes ciblant les 3 dimensions du plaisir alimentaire : sensorielle, interpersonnelle et psychosociale. La première avait pour thématique les fruits, la deuxième les produits céréaliers et la troisième les produits laitiers. Ces catégories d’aliments ont été retenues car elles sont fortement recommandées par le Programme National Nutrition Santé (PNNS) pour le goûter des enfants (INPES, 2004). En parallèle des aliments, chaque boîte contenait également :

  • Une carte sur les 5 sens décrivant les sensations perçues, spécifiques aux aliments de la thématique de la boîte – Dimension sensorielle ;
  • Un ustensile de cuisine et une fiche recette comportant un défi culinaire invitant l’enfant à réaliser la recette avec ses parents et à poster une photographie de leur création sur un blog dédié – Dimension interpersonnelle ;
  • Deux infographies sur l’histoire et l’origine de deux des produits appartenant à la thématique de la boîte. Chacun des documents proposait un quizz ou un jeu pour l’aspect ludique – Dimension psychosociale.

Il est important de noter qu’aucune des boîtes ne fournissait d’information sur les bénéfices nutritionnels des aliments.

Pour le groupe témoin, les box ne contenaient pas de produits alimentaires et visaient à impliquer les participants dans des activités de décoration de table, sans référence directe aux aliments. Chaque boîte comportait un objet décoratif et deux infographies associées. Les enfants ont été invités à participer à des défis et à publier des photos de leurs créations sur un blog différent de celui du groupe expérimental.

L’intervention hédonique conduit à une diminution de l’apport énergétique des collations chez les « grands mangeurs »

Les résultats de cette étude montrent une diminution significative de l’apport énergétique des collations chez les enfants du groupe expérimental à l’issue de l’intervention, ainsi que 2 mois plus tard.

L’intervention basée sur le plaisir a notamment permis de réduire la quantité de nourriture consommée, mais n’a en revanche pas modifié la qualité nutritionnelle des collations. La diminution de l’apport énergétique serait donc associée à une réduction des portions consommées plutôt qu’à un changement radical en faveur d’en-cas plus sains.

De plus, cette diminution n’a été observée que chez les enfants pour lesquels l’apport énergétique des collations était initialement élevé. En lien avec de récentes études, ces conclusions montrent ainsi que les expérimentations basées sur le plaisir fonctionnent davantage chez les personnes qui ont tendance à manger en plus grande quantité. En effet, les grands mangeurs sont d’autant plus conscients que la valeur hédonique d’un aliment diminue plus rapidement lorsque ce dernier est ingéré en grande quantité (Cornil et al., 2016 ; Bédard et al., 2020 ; Lange et al., 2021).

L’expérimentation dans un cadre familier permet de tenir compte des habitudes alimentaires et des préférences des enfants

Cette étude est la première à évaluer l’impact d’une intervention à domicile orientée sur le plaisir sur l’apport énergétique des collations chez les enfants. En effet, la majorité des travaux précédents ont été réalisées en laboratoire, limitant ainsi les choix des enfants à une liste d’aliments préalablement définie. En prenant place au sein du foyer, cette intervention s’est déroulée dans des conditions de vie réelles permettant ainsi de tenir compte des habitudes de consommation et de respecter les préférences des enfants.

Les conclusions de cette étude soulignent l’intérêt de mobiliser les aspects sensoriels et le plaisir de manger dans l’incitation et la motivation à consommer des aliments sains tels que les fruits et légumes. Des travaux complémentaires restent nécessaires pour confirmer le fait que ce type d’intervention joue uniquement sur les quantités et non sur la qualité nutritionnelle.

Basé sur : Delphine Poquet et al. Effect of a pleasure-oriented intervention conducted at home on the energy intake of mid-afternoon snacks consumed by children. Journal of the Association for Consumer Research, 2022, 7 (4), pp.471-481.

Méthodologie
Messages clés
  • La modification de l’apport énergétique serait associée à une réduction des portions consommées plutôt qu’à un changement radical en faveur d’en-cas plus sains.
  • L’intervention s’est déroulée dans des conditions de vie réelles permettant ainsi de tenir compte des habitudes de consommation et de respecter les préférences des enfants.
Références
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